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Les trois publications confidentielles

de Jean Bruller

sous l'Occupation

 

Les illustrations de 1942 pour des oeuvres d'Edgar Poe et de Coleridge

Une postface de 1941 pour Le Second livre de la jungle de Rudyard Kipling

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les illustrations de 1942 pour des oeuvres d'Edgar Poe et de Coleridge

C'est une partie connue de l'histoire biographique et artistique de Jean Bruller. Aussi vais-je seulement rappeler les grandes étapes.

Après les derniers albums de 1938, Jean Bruller fit artistiquement silence en 1939 et 1940. Dans ses mémoires, il écrit à l'année 1939 qu'il travaillait sur un nouvel album "qui devait faire pendant à [s]a Clé des songes et s'appeler: Folies douces. Inventaire des petites névroses, craintes stupides, manies obsessionnelles dont chacun d'entre nous subit quelqu'une. Dont les témoins s'amusent mais dont souffrent sans rire ceux qui en sont atteints. Et dont notre inconscient nous dissimule la source. Terreur des souris, des araignées que ne provoqueraient pas un éléphant. Répulsion de marcher sur les raies du trottoir. Conviction d'être parti sans avoir éteint la lumière, fermé les robinets. Angoisse des portes closes, des cabines d'ascenseur. Avarice de bouts de chandelle des prodigues grands seigneurs. Dénombrement maniaque des voitures en station, des marches d'escalier. Ainsi de suite. Dessins, commentaires et interprétations psychiques" (Les Occasions perdues, page 163).

Cet album ne vit jamais le jour et, à ce jour, aucune archive n'a été retrouvée sur le sujet.

Il décida courageusement de se faire menuisier entre octobre 1940 et juin 1941 pour survivre au moment où il commença une double Résistance: Résistance armée éphémère pour cause de démantèlement rapide du réseau, Résistance intellectuelle avec les Editions de Minuit clandestines que l'on connaît.

En 1942, il entreprit d'illustrer des textes d'Edgar Poe et de Coleridge, mais sans déroger à sa règle de ne rien publier sous le joug allemand, puisqu'il les édita à titre confidentiel pour douze riches collectionneurs, avec l'aide de  l'imprimeur Ernest Aulard.

Admirateur de Poe, il illustra trois de ses poèmes en prose Silence, Ombre et L’île de la fée. Et rappelons qu'il avait fourni en 1929 trois eaux-fortes pour Le Corbeau. Il travailla à ses dessins jusqu’en avril 1942, puis d’avril à décembre à l’illustration de The Rime of the Ancient Mariner de Coleridge.

Certaines illustrations, de l'aveu même de Vercors, étaient alimentaires pour le jeune dessinateur débutant qu'il était. Bien d'autres au contraire relevaient d'un projet personnel, décliné sur le plan artistique. Ce n'est pas un hasard si Jean Bruller avait édité ses trois eaux-fortes pour Le Corbeau d'Edgar Poe le jour même de son anniversaire. Et les réminescences, même dans les détails, persistèrent dans l'oeuvre scripturale de l'écrivain, ne serait-ce que par la récurrence sous sa plume du "nevermore" dans Sylva et dans un chapitre du recueil fantastique (dans le sillage d'Edgar Poe) Les Chevaux du Temps. De plus, les univers sombrement silencieux et marins de Poe et de Coleridge semblent correspondre au moment historique noir de l'Occupation.

Je vous invite à approfondir avec mon article "Quand le fantôme d'Edgar Poe plane sur l'oeuvre de Jean Bruller-Vercors: résonances artistiques, frontières transgénériques" désormais en ligne dans la revue Loxias.

C'est également dans ces années-là qu'il s'essaya à ses premières illustrations pour le Hamlet de Shakespeare - projet qui ne fut publié qu'en 1965 comme je le raconte dans les paragraphes 13 à 17 de mon article Vercors et l'imprimerie - et qu'il s'astreignit à écrire chaque jour quelques pages de fiction: le récit de son amour de jeunesse Stéphanie qui resta en sommeil sous l'Occupation mais surgit pour partie dans un des tomes de la trilogie Sur ce Rivage et dans sa totalité dans Tendre Naufrage. Néanmoins, la figure de Stéphanie servit de modèle à la nièce du Silence de la mer.

Une postface de 1941 pour Le Second livre de la jungle de Rudyard Kipling

Ce que l'on ne connaissait pas jusqu'à présent, c'est qu'un an plus tôt, au moment où il était encore menuisier, Jean Bruller écrivit une postface pour Le Second livre de la jungle de Kipling, publié le 15 janvier 1941 par l'éditeur Henri Creuzevault.

J'avais découvert cette information au cours de mes recherches pendant ma thèse, lorsque je dépouillais les diverses archives des bibliothèques. Je l'avais mise de côté, faute de temps, en attendant de pouvoir la reprendre ultérieurement (ainsi que d'innombrables autres trouvailles en cours de constitution plus solide et de finalisation).

Dans mon article "Vercors et l'imprimerie", aux paragraphes 22 et 25, on rencontre les noms de Kipling et de Creuzevault. L'éditeur Hartmann fit en effet confiance à Jean Bruller pour illustrer en 1930 Puck lutin de la colline et Comédie en marge du monde de Kipling. Et Bruller collabora plusieurs fois avec Henri Creuzevault. En 1926, le père Louis Creuzevault « avait retenu la moitié des exemplaires de tête » de son premier album 21 recettes de mort violente. Quatre ans plus tard, le dessinateur illustra l'ouvrage Dix légendes en marge du livre de Sylvestre de Sacy. En 1934, Bruller publia chez lui sa Nouvelle clé des songes.

Ce n'est donc pas le fruit du hasard si Jean Bruller participa par une postface à l'ouvrage de luxe Le Second livre de la jungle de Kipling, illustré par Henri Deluermoz (1876-1943). Et la postface de Jean Bruller porte justement sur Deluermoz, comme un hommage, et à la manière des articles sur les illustrateurs qui lui étaient contemporains (dans La Quinzaine critique et Arts et métiers graphiques).

Cet ouvrage fut élaboré par un petit imprimeur fabricant, Théo Schmied, et connut un petit tirage à 250 exemplaires.

La postface de 1941 est visible à la BnF et répertoriée sur cette fiche.

 

Article mis en ligne le 1er mars 2021

 

 

 

 

 

 

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