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 Dessinateur et graveur

 

Jean Bruller illustrateur des récits de Georges Simenon

 

La page sur  la bibliographie de l'artiste témoigne des multiples illustrations de Jean Bruller, au cours de l'entre-deux-guerres, de récits parus dans journaux et revues variés. Le dépouillement de ces différentes archives prouve que la collaboration fut éphémère entre des écrivains et le dessinateur, pratique somme toute intrinsèque au support et à l'usage de ce type de publications et de lecture. Aussi la rencontre artistique entre Jean Bruller et Georges Simenon nous semble-t-elle digne d'intérêt, parce qu'elle eut lieu une première fois entre la fin de l'année 1926 et le début de l'année 1927, et une seconde en 1936.

Cette récurrence aurait-elle un sens dans la carrière de Jean Bruller ?

Le 10 janvier 1927, Jean Bruller orna d'un dessin la nouvelle Les Remous de Georges Simenon, parue dans Lectures de quinzaine. Jean Bruller choisit-il sciemment cet écrivain ? Rien ne le stipule. Nous pouvons néanmoins rappeler que le jeune dessinateur n'avait sorti qu'un seul et unique album, 21 Recettes de mort violente, et qu'il cherchait donc encore des entrées dans le milieu artistique et éditorial. Ce premier album avait certes eu un tel succès qu'il s'était vendu en trois jours, mais il ne lui assurait pas son avenir professionnel. Les travaux annexes dans les journaux et les revues, que l'on peut considérer comme « alimentaires », permettaient ainsi au jeune dessinateur de vivre de son crayon entre deux albums publiés et de se faire progressivement un nom en étant, pourquoi pas, associé à des écrivains connus.

En 1927, Jean Bruller n'a peut-être pas choisi d'illustrer un récit de Georges Simenon, journaliste et écrivain qui commençait à percer dans le métier depuis le début des années 20. Par contre, les raisons de son « recrutement » ponctuel dans ce numéro de Lectures de quinzaine nous paraissent évidentes : cette revue bimensuelle, dont la vocation était de publier à bas prix romans et nouvelles, appartenait aux Ferenczi. Or, les Ferenczi étaient des amis des Bruller, en particulier de Louis Bruller, ce père à qui Vercors rend hommage dans La Marche à l’Etoile. Comme ce dernier, Joseph Ferenczi, d'origine hongroise, partit à la fin du XIXe siècle de son pays natal pour s'établir en France. Comme lui également, il prit la tête d'une maison d'édition et vendit des livres à bas coût. Le jeune Jean Bruller put profiter de cette amitié des deux familles pour débuter dans Sans-Gêne, puis également dans Lectures de quinzaine. Et Ferenczi lui fera confiance au point de lui confier la direction du journal Allô Paris au milieu des années 30.

En 1936, du 25 octobre au 25 décembre, dans Les Annales politiques et littéraires cette fois, Jean Bruller exerça son talent sur le récit Le Blanc à lunettes de Georges Simenon.

 

Les coulisses de cette nouvelle collaboration nous sont là encore inaccessibles. Nous ne savons pas en effet si Jean Bruller comme Georges Simenon se choisirent mutuellement ou si le hasard présida à cette association, d’autant plus que la participation accrue du dessinateur aux Annales politiques et littéraires entre 1934-1936 est nette. Dans ses mémoires Cent ans d’Histoire de France comme dans ses entretiens – spécifiquement A dire vrai -, Vercors n’évoque jamais Simenon, ce qui pourrait laisser penser que leur double rencontre fut fortuite.

Pourtant, dans une lettre datée de 1958, Vercors prodigue des conseils à un ami écrivain après avoir lu le manuscrit de son prochain roman. Il l’enjoint à réviser certains dialogues de ses personnages en s’inspirant de Joseph Conrad ou de Georges Simenon. Celui qui connaît bien l’univers vercorien sait que l’auteur du Silence de la mer suivit la technique de Conrad, écrivain anglais qu’il admirait, et renonça à ouvrir la « calotte crânienne » de ses personnages, pour révéler leurs émotions et leurs pensées davantage par leurs gestes et mimiques. Dans sa lettre, Vercors ne veut pas non plus se montrer trop directif avec cet ami écrivain, le but étant d’aider celui-ci sans l’éloigner de son univers particulier. Aussi fournit-il un second nom, celui de Simenon, sans d’ailleurs s’expliquer plus avant. Nous pensons que citer Simenon dans cette lettre professionnelle ne relève pas du hasard. Selon nous, c’est un témoignage implicite du souvenir de sa collaboration ancienne avec lui. A l’heure actuelle, nous n’avons aucune preuve d’une possible rencontre ou d’une éventuelle correspondance entre Jean Bruller et Simenon dans l’entre-deux guerres. Parler de Simenon dans sa lettre souligne l’admiration de Jean Bruller-Vercors pour cet écrivain, une admiration qui ne date pas des années 50, une admiration qui, nous le supposons sans faits avérés, put pousser le jeune dessinateur des années 30 à écrire à son tour un roman policier que Pierre de Lescure proposa à Gallimard…sans succès.

En 1935-1936, Jean Bruller illustra dans Les Annales plusieurs récits policiers de divers auteurs, avant celui de Simenon. Son coup d’essai d’un roman dans ce genre n’est probablement pas dû uniquement à Simenon, mais c’est tout de même le modèle qu’il retient dans sa lettre de 1958. Notre hypothèse nous semble tout à fait plausible, d’autant plus plausible que, toujours au milieu des années 30, Jean Bruller s’essaya à un récit fantastique à la manière d’Edgar Poe, cet auteur américain dont il avait illustré en 1929 Le Corbeau et dont il illustrera à titre confidentiel en 1942 trois poèmes en prose.

Allez sur la page consacrée à Silences.

 

Ce milieu des années 30, sur lequel Vercors reviendra peu rétrospectivement, met en scène un néophyte en écriture suivant les traces de deux de ses modèles, Edgar Poe et Georges Simenon.

 

 

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