Dernier album
avant la guerre que Jean Bruller commença à imprimer
lui-même à l'état 1937 et qu'il acheva en 1938.
source
Le contexte d'édition
Jean Bruller travailla
à ses eaux-fortes qu'il intitula Silences, mot emblématique à plus d'un titre dans
sa double carrière et mot auquel il a "toujours
trouvé de profondes résonnances".
La crise économique
de ces années-là le conduisirent à imprimer lui-même son
"cahier de gravures" sur sa "presse
à bras" et à les enluminer "ensuite,
à la main, au pochoir. Rien à payer, sauf le papier".
Jean Bruller déclina
divers silences: " Silence mental de l'écrivain
paralysé par la feuille blanche. Silence mortel d'une
maison solitaire où personne ne répond à l'appel des
voisins. Silence subit dans la pièce où pénètre, par
surprise, un ennemi armé. Silence tremblant avant le
viol au fond des bois. Silence nocturne où, derrière
une fenêtre, un homme tout seul écrit, son révolver
en attente sur la table. Ainsi de suite".
Comme les commandes
affluèrent alors qu'il avait, par précaution, limité la série
" à trois cents exemplaires par petites tranches
de cinquante ou soixante", il fut obligé de
travailler sans aide tout l'été à une cadence accélérée:
"Peu entraîné, deux heures de ce travail m'irritent
la paume, épuisent mes biceps. Après trois heures je
souffre et le surplus m'évoque l'enfer"...L'Enfer
de recommencer "éternellement"
le même pénible travail de force!
Le silence d'avant Le Silence de la mer
Les
topoï du silence et de la mer ne surgirent pas ex
nihilo en 1942 dans son premier récit Le
Silence de la mer,
publié clandestinement par les Editions
de Minuit. Ces thématiques
étaient déjà récurrentes dans l'univers artistique,
poétique et autobiographique du jeune dessinateur. Le
titre du récit mythique de 1942 révèle avec force cette
idée fixe. Celle-ci se rencontre déjà dans son premier
album de 1926, 21
Recettes de mort violente, en particulier
dans le premier chapitre « Du suicide par immersion
totale ».Elle se prolonge dans La
Danse des vivants, par exemple dans les
planches « Mutinerie à bord » et « Le Radeau de l'éternelle
espérance ». Cette focalisation sur l'univers marin
est encore nettement visible en 1942 quand Jean Bruller,
en plus de l'écriture du Silence de la mer, illustre
les trois poèmes en prose d'Edgar Poe et la ballade
de Coleridge. Tout autant que Jean Bruller, Vercors
revient sur ce réseau imagé, par exemple pour les titres
Le Radeau
de la méduse et Tendre
Naufrage, pour la diégèse du récit Sillages
(1972). Le
Commandant du Prométhée, ultime récit
de Vercors, semble un écho manifeste de ce travail
lexical.
L'album Silences
résonne de manière polyphonique:
- Les gravures
interrogent bien des silences: celui, angoissé, de la
page blanche de l'artiste; ceux de l'irrémédiable solitude
humaine ou de la nature humaine, originellement mauvaise,
que l'admirateur de Jean Bruller décèle dans La
Danse des vivants.
- Il revêt aussi
l'aspect le plus contingent et le plus matériel qui
soit, à savoir le silence de l'oeuvre menacée dans sa
sortie éditoriale, puisque, comme je l'ai dit plus haut,
Jean Bruller dut s'auto-éditer à cause du déclin du
beau livre d'après-guerre qu'il avait prédit dès 1931
dans la revue cossue Arts et métiers graphiques,
et qu'il entérina dans un dernier article du 15 août
1937 pour cette revue.
- Le silence inquiet
face à l'approche de la guerre et au musèlement artistique
imminent., une approche précise qu'il avait stigmatisée
dans l'album Visions intimes et rassurantes de la
guerre (1936).
Article
modifié le 1er février 2021
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