La Puissance du Jour (1951)
Des Armes de la Nuit à La Puissance du Jour ou comment le rescapé du camp de Hochswörth Pierre Cange revient progressivement du Royaume des Morts.
Préambule
Des Armes de la Nuit à La Puissance du Jour : pour une explication orientée
L’analyse proposée dans cette page sera partielle par rapport à la richesse des thèmes abordés plus ou moins explicitement. Ce parti-pris résulte du fait que La Puissance du Jour est la suite des Armes de la Nuit, récit consacré essentiellement au dilemme de Pierre Cange : la perte de sa qualité d’homme. L’étude de La Puissance du Jour se centrera donc sur cette problématique primordiale dans la pensée de Vercors. D’ailleurs le narrateur lui-même aimerait approfondir parfois. Il s’y refuse pourtant et le déclare à son lecteur :
Mais tout cela déborde le propos de ce récit, dont l’ambition se borne à raconter comment un homme horriblement mis en morceaux par une entreprise diabolique a su- et pu- rassembler ces morceaux pitoyables pou en refaire un être humain.
La réflexion sur l’essence humaine est à ce point complexe que ce narrateur a laissé passer cinq ans entre les deux récits. Dans la préface de la première édition des Armes de la Nuit, il avoue qu’il a abandonné son héros, ne connaissant pas encore la réponse à son dilemme et ne sachant pas s’il pourra un jour « relater les étapes de la guérison ». Il est donc parti entre-temps à la recherche de cette délicate question et il parvient à l’élaborer en 1950 dans son essai Plus ou moins homme dont la théorie est expliquée à la page consacrée au conte philosophique Sylva publié en 1961.
A partir de là, Pierre peut trouver des réponses à ses douloureuses interrogations et le narrateur reprend le récit cinq ans après, en repartant de là où il avait laissé le personnage à la dernière page des Armes de la Nuit : après la terrible confession de Pierre, le narrateur B*** quitte son ami avant qu’il ne se réveille. Passe l’automne, « Puis je m’embarquai pour l’Amérique. J’y circulai tout l’hiver ». Ce n’est qu’au printemps que l’histoire connaît un tournant décisif. Dix-huit mois après la Libération, Nicole, B*** et d’anciens camarades résistants acculent Pierre à chercher cette « qualité d’homme » qu’il pense avoir perdue à jamais. L’enjeu est donc trop important pour que nous ne nous arrêtions pas davantage sur ce sujet.
Il est vrai notamment que la composition du roman se révèle intéressante, mais nous l’éluderons volontairement. En revanche, elle sera étudiée à la page consacrée au Tigre d’Anvers, réécriture des Armes de la Nuit et de La Puissance du Jour.
Un changement de catégorie générique
Lorsque Vercors publie ce récit, il y adjoint Les Armes de la Nuit en une « édition collective ». L’un ne va pas sans l’autre, puisqu’il s’agit d’une suite que tout lecteur passionné de 1946 attend avec impatience.
L’originalité tient dans le fait que le premier est une nouvelle et le second un roman. Vercors laisse deviner ce changement dans la préface des Armes de la Nuit.
« Est-ce un récit fermé sur lui-même ? ou la première partie d’un plus long récit ? ».
Cinquante pages contre deux cents, cinq ans plus tard…Le roman La Puissance du Jour est donc l’extension d’une nouvelle assez courte. Est-ce si gênant ? Pour ceux qui cloisonnent les genres, sûrement ; Mais Vercors n’a jamais tenu à s’enfermer dans une catégorie. Il lui arrive d’employer pour un même texte plusieurs termes qui ne recouvrent pas la même définition dans les théories littéraires ; même, il qualifie explicitement Les Chevaux du Temps de roman, alors qu’en examinant le recueil on s’aperçoit qu’il s’agit de nouvelles. Vercors préfère souvent le terme plus général de « récit » pour éviter tout malentendu. Vous remarquerez que dans la page principale de cette rubrique, nous avons classé nous-mêmes Les Armes de la Nuit et Les Chevaux du Temps dans la colonne « romans » et Le Piège à loup, défini simplement comme un « récit » par l’écrivain, dans la colonne « nouvelles »…
Quoi qu’il en soit, si La Puissance du Jour est appelé « roman », il est à remarquer qu’il s’agit du premier roman écrit par Vercors.
A la recherche de la qualité d'homme
Où en est Pierre Cange depuis sa confession à la fin des Armes de la Nuit ?
Après cinq ans de silence sur le destin de Pierre Cange, nous le retrouvons dans le même état d’esprit que la nuit de sa confession dans Les Armes de la Nuit. Pierre est comme fantomatique, ne serait-ce que par son absence jusqu’au chapitre IV, bien que les autres parlent de lui constamment. Ses amis veulent sauver celui qui fuit, qui se cache des autres, qui se terre. Et, quand enfin il ose entrer en scène – parce qu’il y est forcé -, c’est par la petite porte. Son avocat joue le rôle d’intermédiaire entre lui et le narrateur B*** qu’il ne peut revoir autrement que par cet artifice. Pourtant, contrairement à ce que le lecteur et B*** pourraient penser a priori, l’avocat n’est pas une « fortification » ; c’est une « passerelle »… passerelle que les deux amis traversent ensemble pour dépasser le jardin de Notre-Dame. Ce chemin, tant concret que symbolique, est comme le parcours inversé du fleuve des Enfers grâce au passeur Charon. Pierre qui, dans Les Armes de la Nuit, est « l’homme qui se noie » et qui « lentement [s’]enfonc[e] devant [Jean-Jacques] dans un étang, lugubre et mortel », réussit à traverser dans l’autre sens ce fleuve dangereux du Royaume des Morts.
Pierre n’en est pas davantage sauvé pour le moment. Lors de leur promenade, il revient sur ce qu’il disait à B*** dans le récit de 1946 : « Je suis démoli jusqu’à l’os », « Mes loques sont revenues, pas moi ! » et « Nous ne sommes plus rien ». Sa souffrance exacerbée provient du fait qu’il a « perdu cette qualité [d’homme] sans pouvoir jamais rejeter cette condition ».
S’il sait que « l’homme et l’espèce humaine ne sont pas synonymes », qu’ « un chat est un chat » et qu’« un être humain n’est pas forcément un homme », il se range d’emblée dans la catégorie de l’être humain qui a perdu irrémédiablement sa dignité humaine. Et, dans son orgueil mais aussi dans ses scrupules, il ne « veu[t] pas l’oubli », car « les hommes qui oublient leurs faiblesses [le] dégoûtent ».
Pierre a beau chercher la limite entre l’homme et la bête, il a beau percevoir que d’autres tortionnaires prendront tôt ou tard le relais des nazis pour « les faire devenir bêtes ou plantes », « n’accept[ant] pas l’unité de l’espèce », il ne trouve toujours pas de solution pour guérir. Il reconnaît cependant que cela dépasse son cas personnel :
Il s’agit, cria-t-il, de l’espèce ! De l’es-pè-ce ! (…) Il s’agit de l’homme en tant qu’espèce.
Quelqu’un doit donc être un tremplin pour le sortir du Royaume d’Hadès et le faire accéder à la lumière du jour.
L’entrée en scène de Nicole-Orphée
Dans Les Armes de la Nuit, Nicole échoue dans toutes ses tentatives pour rétablir la communication avec l’homme qu’elle aime. Elle comprend que sa présence trouble Pierre et le gêne. Devançant l’arrivée de Pierre telle « une furtive forme blanche parmi les arbres (…) un peu fantomatique dans le brouillard », elle avance, puis s’efface « dans la brume crépusculaire » dès que Pierre la rejette. Dans cette atmosphère fantastique proche à bien des égards du Songe, dans ce décor shakespearien où Hamlet rencontre le fantôme de son père assassiné, Nicole est une forme évanescente ; elle semble une « illusion ».
Chaque soir, dans la propriété bretonne, elle répare un filet de pêche. Elle s’incarne donc plus corporellement que la première fois, elle s’ancre davantage dans la réalité, mais son âme est ailleurs, « le regard songeur semblant frissonner et flotter comme un reflet de lune ». Cette jeune fille est hors du monde dans la mesure où elle a perdu celui qu’elle chérit. Aider Pierre, c’est remonter avec lui de l’Enfer…ou s’y enfoncer avec lui à jamais, comme elle le signale à B***.
Chaque soir, elle attend patiemment, mais aussi passivement, le retour de Pierre du Royaume des Morts, penchée sur son ouvrage « comme une Pénélope accablée ». Or, dans La Puissance du Jour, Nicole n’a plus rien de la « fantomatique jeune fille de Plenmach ». Elle commence la lutte activement et élabore un stratagème en rencontrant d’anciens amis résistants ayant appartenu au réseau de Pierre. Habilement, elle amène le Docteur Mouthiers à dire qu’ « il faut trouver le moyen de charger [Pierre] d’une grande responsabilité » et à ne pouvoir ensuite se dédire. Elle convainc un à un tous ses amis pour qu’ils enlèvent Broussard, un collaborateur qui a su échapper à l’épuration, et qu’ils l’enferment dans l’asile tenu par Mouthiers. Tel Orphée, elle a charmé ( au sens étymologique du terme) ces hommes par son Verbe éloquent ; elle les prend un à un dans ses rets inextricables : « petite araignée secourable, elle tisse sa toile magique ».
Clé de voûte, elle reste néanmoins dans l’ombre pour ne pas effrayer Pierre. Pas à pas, elle chemine sur le chemin de la guérison et du jour, mais sans le regarder sous peine de le perdre à jamais. Sa souffrance et ses craintes disparaissent quand Pierre se rend enfin chez elle au chapitre XVII. Après une nuit de passe d’armes avec B***, il triomphe de son « inhibition torturante » et, dès que le jour se lève avec un « soleil déjà (…) haut dans le ciel », il rejoint Nicole. Il est symboliquement passé des Armes de la Nuit à La Puissance du Jour.
Finalement, ce n’est pas le plan de la jeune femme qui conduit Pierre sur la voie du salut même si le cas Broussard le fait réfléchir de manière décisive, mais « cela ne déprécie en rien le mérite de Nicole dans cette remontée des enfers »… ce dernier terme prouve que les deux parties des Armes de la Nuit intitulées respectivement « Eurydice » et « Orphée » avaient un sens précis et se prolongeaient dans La Puissance du Jour.
L’affaire Broussard
Le scandale de l’après-guerre
Au détour de l’affaire Broussard, Potrel, Manéon, Sat – tous résistants de la première heure- disent à Pierre leur amertume dans cet immédiat après-guerre ; leur acte (celui d’avoir enlevé l’ancien Préfet Broussard) soulève l’épineux problème de l’épuration.
Vercors est évidemment très sensible à la mise en oeuvre de l’épuration.
Celle-ci , pour De Gaulle, répond à deux buts contradictoires : faire œuvre de justice et renouveler les cadres dirigeants d’une part, mais éviter une purge trop brutale au risque de plonger le pays dans une guerre civile.
En dehors de l’« épuration extrajudiciaire » (une des faces des combats qui accompagnent la Libération), l’épuration « légale » se révèle bien contrastée : si l’on fut sévère ( et Vercors le fut…) avec les intellectuels et les journalistes, on remarque que l’ Eglise, la paysannerie, les collaborateurs « économiques », le patronat, bénéficièrent de beaucoup d’indulgence comme le soulignait Jean Paulhan : « Les ingénieurs, entrepreneurs, maçons qui ont bâti le mur de l ‘Atlantique….bâtissent les murs des nouvelles prisons, où l’on enferme les journalistes qui ont eu le tort d’écrire que le mur de l’Atlantique était bien bâti ».
De plus, l’après-guerre décevant et matériellement difficile, le développement de la Guerre froide qui change l’ennemi en allié (et inversement) font que la répression s’atténue au fil des ans : en 1945 , Brasillach est fusillé, alors qu’en 1950, Céline qui avait réussi à s’enfuir, n’est condamné qu’à 1 an de prison.
Enfin, nombre de hauts fonctionnaires, serviteurs soumis, voire zélés, de Vichy, vont se justifier par leur impuissance à désobéir, mais aussi par des services habilement rendus à la Résistance dans les derniers mois de la guerre, lorsque « retourner sa veste » devenait urgent.
Broussard est bien l’un d’eux, comme le furent René Bousquet, pourtant chef de la police de Vichy ou Maurice Papon, futur ministre…jusqu’à son procès en 1997.
« Quelque soit le constat qu’ils dressent, acteurs et témoins s’accordent en général pour assimiler l’épuration, légale ou illégale, à un échec » (O. Wieviorka dans la revue L’Histoire juillet-septembre 2005 ).
Le face-à-face entre Pierre et Broussard
Pierre s’entretient une seule et unique fois avec Broussard. Ce dernier le toise avec mépris et n’éprouve aucun remords des crimes qu’il a commis pendant l’Occupation. Il justifie ses actes « sur le plan de la légitimité ». « Ce qui compte, c’est la continuité de l’Etat » et l’ancien préfet aurait obéi à tout ordre du « pouvoir légitime ». Cette soumission lui paraît naturelle, car « un soldat ne juge pas les ordres », il les applique. La citation d’Anatole France « Il est beau pour un soldat de désobéir à des ordres criminels » rappelle l’adaptation théâtrale du Silence de la mer ; en ce sens seulement, elle rapproche Broussard de Werner von Ebrennac, toute proportion gardée évidemment, le second n’ayant pas la noirceur du premier. Là encore, Vercors pose clairement le problème de la responsabilité française sous le régime de Vichy.
Si Pierre n’obtient pas ses réponses quand il quitte Broussard, en revanche il a avancé dans ses réflexions et l’opération du cerveau à laquelle il assiste un peu plus tard lui permet enfin de poser les limites entre l’homme et la bête. Sa conclusion est catégorique : « …Broussard est un tigre, il n’y peut rien ». Effectivement, lorsque le narrateur avait aperçu l’ancien haut fonctionnaire à l’asile, il avait lui aussi comparé son attitude à celle d’un lion :
Je revis le lion méprisant du zoo d’Anvers, allongé dans sa cage étroite, qui ne cessa pendant la demi-heure où je le contemplai de fixer le mur derrière moi, sans daigner m’accorder un regard, comme s’il n’y eût eu devant lui que le vide.
La définition de la qualité d'homme
Plus ou moins homme, mais homme tout de même
Le cas Broussard fait comprendre à Pierre que sa définition de l’homme repose sur de fausses bases :
J’ai cru que l’on était plus ou moins homme selon qu’on possédait plus ou moins ces qualités (…) : l’honneur, le caractère, la fidélité, le courage.
Or, c’est quand il s’interroge pour savoir qui a raison de Broussard ou des Résistants qu’il s’aperçoit que « son cas personnel s’évanouissait dans « l’énormité du problème du monde ».
Ce n’est pas son acte individuel qui permet de décréter qu’il a perdu ou non sa qualité d’homme, car « le comportement humain ne se détaille pas ». Un geste, « le plus beau de tous » ou le plus « horrible » ne fait pas de l’être humain un homme.
La définition doit trouver sa source dans l’universalité. Elle pose ainsi les limites entre les hommes et les tigres. Pierre découvre que lui et ses amis ont agi suivant la conception qu’il ont de l’homme. Que Pierre ait connu un « fléchissement » dans les camps de la mort, que Manéon ait poussé hors du wagon un camarade faible et moribond à la place d’un prisonnier « utile à la collectivité », que Potrel ait fait dérailler un train de Fritz et qu’il se reproche l’exécution de cinquante cheminots en guise de représailles « ne sont que des épisodes, la fortune changeante du combat. L’homme en nous se fait ou se défait à chaque minute de notre vie ».
La lutte est incessante, mais c’est ce qui fait de nous des hommes. Elle est intrinsèque à la définition de l’essence humaine : « l’on n’est pas “ homme ” de naissance ; (…) chacun le devient, à tout moment, plus ou moins homme selon qu’il se soumet à sa condition animale ou au contraire qu’il la refuse et se rebelle » (A dire vrai).
Quand Pierre s’interroge sur « le partage exact des rôles (entre le fatum et nous) », il comprend vite que l’homme est pleinement homme s’il refuse cette fatalité.
Pierre peut-il échapper à son destin : celui d’être homme ? Il l’a cru un moment grâce à la contemplation :
Redevenir une bête, une chose, un morceau de nature. Pêcher comme le tigre chasse. Cela a sa noblesse.
Certes, mais c’est se voiler la face et vouloir redevenir un animal pour échapper à sa lourde tâche rappelle le personnage de Dorothy du conte philosophique Sylva. Ses ancêtres s’étant rebellés contre la Nature, Pierre est condamné à être un homme. Le seul choix qui lui reste est de se comporter plus ou moins en homme ; et les tigres comme Broussard appartiennent à la seconde catégorie.
« Suis-je dans mon corps comme un pilote dans son navire ? »
La Puissance du Jour est un prélude à d’autres récits.
Ce n’est pas uniquement l’affaire Broussard qui donne à Pierre la clé de l’énigme. L’action seule ne parvient pas à l’amener sur le chemin de la vérité.
Le docteur Mouthiers impulse le début de la guérison en le priant d’assister à une opération du cerveau. Cette opération révolte littéralement Pierre, parce que cette partie du corps vit indépendamment de l’être à qui il appartient. Qu’un homme ne puisse contrôler ses organes et qu’il juge cela normal le sidère. La maladie qui conduit l’homme à la mort est un scandale dans la mesure où on ne peut répondre aux deux questions fondamentales : comment et pourquoi ? :
mon polype doit pousser sans que j’y puisse rien et me boucher le nez jusqu’à m’empêcher de respirer.
L’homme n’ignore pas son ignorance, c’est le premier acte d’insoumission à la Nature qui nous désolidarise d’elle et des animaux. Mais cette ignorance devrait nous pousser à la révolte ; elle devrait nous pousser au refus ; elle devrait nous conduire sur la voie de la Connaissance. Or, n’est-ce pas ce qui porte Egmont à tenter de descendre en lui afin de contrôler son propre corps dans le roman Colères publié en 1956 ?
Pour imager ses propos, Pierre utilise une métaphore qui a été le sujet de son dessin Mutinerie à bord dans La Danse des vivants et qui deviendra des années plus tard le thème de la nouvelle symbolique Le Commandant du Prométhée que Vercors n’aura pas le temps de retoucher, emporté par la mort. Cette métaphore est convoquée pour montrer que « le cœur, le foie, la rate [d’un chien] font leur petit boulot à l’intérieur sans s’occuper du reste ». Organes et être vivent chacun leur propre vie. Pierre établit alors un parallèle avec un commandant de navire :
Mais maintenant j’imagine qu’il arrive un pépin sur ce bateau. Par exemple quelques soutiers se mutinent (…). Les machines flambent, l’incendie se répand, tout le monde se bagarre là-dedans (…). Le commandant (…) voudrait bien descendre pour se rendre compte par lui-même (…) mais voilà le plus marrant : pas d’escaliers sur ce bateau (…) les chaudières éclatent les unes après les autres, et tout le monde au bout du compte se retrouve par cent mètres de fond, les mutins, l’équipage et le commandant.
L’homme doit donc se demander comment cela est possible et pourquoi cela advient. Vercors ne cesse dès lors de passer son existence à cerner ce sujet en échangeant ses vues avec de grands scientifiques tels notamment Ernest Kahane dans Questions sur la vie à messieurs les biologistes.
Pierre Cange a réussi à guérir de son mal en trouvant la définition de la qualité d’homme. Il est passé de la nuit du monde sensible - où l’apparence règne en maître - à la lumière du monde des Idées qui lui donne accès à cette Connaissance. Cependant cette question en soulève bien d’autres et nous cheminons encore sur le long chemin de la Vérité.
Ces questions sont d’ailleurs si constantes chez Vercors qu’il propose en 1986 une réécriture des Armes de la Nuit et de La Puissance du Jour qu’il intitule Le Tigre d’Anvers.