Vercors
et le transhumanisme
Préambule
Le transhumanisme
Présent,
futur: Le Meilleur des mondes?
Passé:
héritages et filiations
L'homme réparé
Réparer
les vivants
Nous
avons été heureux versus Les jours heureux
L'homme
augmenté
Recherche
de l'immortalité
De
l'homme-machine: le paradigme cybernétique
L'ultra-humain,
ou l'homme augmenté selon Teilhard de Chardin
et Vercors
L'homme
adapté
L'homme
diminué
L'homme
désincarné
Préambule L'idée
de proposer un article sur "Vercors et le transhumanisme"
m'est venue après avoir travaillé avec mes
étudiants sur un thème de leur programme: le corps. Dans cet article,
il est question de l'homme réparé, de l'homme
amélioré, de l'homme augmenté, de l'homme
adapté. Le problème de l'homme,
de la machine et du robot, de l'hybridation,
est abordé. Nous constaterons l'influence du scientifique
Norbert Wiener après la Seconde Guerre mondiale sur
l'orientation idéologique des intellectuels et nous
y réfléchirons à l'aune de la perfectibilité de l'homme, notion
développée à partir du siècle
des Lumières. Nous inclurons alors Pierre Teilhard
de Chardin (considéré comme un des pères
du transhumanisme) et son ami André Leroi-Gourhan. Vercors
fit beaucoup référence à ces deux penseurs,
parce que sa pensée offre de grandes similitudes et
conduit pour partie au transhumanisme.
Le transhumanisme
Présent,
futur: Le Meilleur des mondes?
En
1932, Aldous Huxley publia une dystopie,
Le Meilleur des mondes, en réaction
à l'idéologie eugéniste de son frère Julian
Huxley, biologiste. C'est en 1957 que ce
biologiste inventa le terme de "transhumanisme"
comme définition de ses idées d'amélioration
des performances humaines. Et c'est dans
les années 90 que ce terme se popularisa
grâce à la convergence des NBIC: nanotechnologies
(N), biologie (B), informatique (I), sciences
cognitives (C). Le transhumanisme touche
ainsi de nombreux secteurs: les prothèses,
les implants, la robotique, les neurosciences,
l'intelligence artificielle...
Le
transhumanisme est donc un mouvement culturel, scientifique
et politique contemporain qui vise à une
amélioration des performances physiques,
intellectuelles et émotionnelles de l'être
humain. Les fulgurantes avancées technoscientifiques
et médicales donnent l'espoir de faire disparaître les
anomalies génétiques, les défaillances intellectuelles,
de permettre au corps humain des performances
décuplées; in fine, de supprimer
le vieillissement et d'offrir à l'homme
l'immortalité.
Cette
perfectibilité humaine pour laquelle on
mobilise activement la science et les finances
a pour objectif de dépasser le stade actuel
de l'évolution pour faire advenir un posthumain
débarrassé de ses contraintes organiques
limitantes. L'homme ne sera pas seulement
réparé, il pourra être hybridé,"augmenté"
et
adapté.
Allez écouter cette
vidéo d'un chercheur du CNRS
qui explique avec clarté ce qu'est le transhumanisme.
Ce
projet de société se structure puissamment
autour du GAFAM (google, apple, facebook,
amazon, microsoft). La Silicon Valley, les
milliardaires, les multinationales investissent
dans ces recherches technoscientifiques, comme le suggère
cet article se
fondant sur les arguments d'intellectuels
inquiets de la tournure des événements.
Fleurissent de nombreux articles, livres,
entretiens qui, il faut le souligner, portent
davantage sur les dangers d'un tel projet
que sur l'enthousiasme face à l'avenir radieux
que les partisans du posthumanisme laissent envisager.
La
réflexion se situe essentiellement autour
de la problématique de limites et de frontières.
Or, cette question a été celle qui tarauda
Vercors lorsqu'il chercha la frontière entre
l'homme et l'animal pour contrer l'idéologie
nazie. Quels problèmes pose le transhumanisme?
-
un problème moral: quelles limites tracer
face au choix du sexe de son enfant, de
ses caractéristiques conformes aux désirs
de ses parents? Face aux manipulations
génétiques eugénistes? Où tracer la frontière
d'un point de vue éthique? Autre sujet:
contrôler la
mémoire traumatique pour que l'humain puisse
vivre sans séquelles psychologiques ou contrôler
la mémoire et l'esprit d'un humain pour
qu'il accomplisse des exactions sans ciller,
relèvent d'objets et de techniques identiques, là
où les objectifs diffèrent. Voici donc
quelques cas d'une longue liste d'exemples.
-
un problème d'identité: qui sera ce "je"
mi-homme, mi-machine? Qui sera ce cyborg?
Quelles nouvelles relations entre le corps
et l'esprit, que le corps soit profondément
modifié ou que l'esprit soit téléchargé
dans une autre entité (organique ou non)?
-
un problème social : l'accès aux technologies
et aux sciences d'augmentation de l'humain
pose la question des inégalités économiques.
Se profile une population d'élus, une élite
qui constituera une caste supérieure. Une
humanité à deux vitesses est à craindre.
L'apparition d'une sous-espèce, celle qui
ne pourra pas payer comme celle qui refusera
l'augmentation de l'humain, rappelle les
plus grands dangers de notre passé.
L'élimination de ceux qui seront considérés
comme des sous-hommes ou bien leur
exploitation sont des dérives prévisibles.
En 2002, le cybernéticien Kévin Warwick
dit: "Ceux qui décideront de rester
humains et refuseront de s'améliorer auront
un sérieux handicap, ils constitueront une
sous-espèce et formeront les chimpanzés
du futur". Les anti-industriels
"Pièces et Main d'oeuvre" rédigèrent
en 2017 un Manifeste des chimpanzés
du futur contre le transhumanisme.
Aussi le transhumanisme
déjà là et qui sera encore plus là demain
interroge-t-il la modification du rapport
à soi et aux autres. Les ouvrages de science-fiction
et les films dystopiques regorgent. Au-delà
du visionnaire Le Meilleur des mondes,
les super-héros cyborgs, mais aussi Bienvenue
à Gattaca, Mr Nobody, les épisodes
de la série Black Mirror...
Passé:
héritages et filiations
Le transhumanisme n'est
pas né ex nihilo. Il est l'aboutissement
de filiations passées.
L'amélioration de l'homme
voulue par les transhumanistes découle de
l'idée de perfectibilité, un mot inventé
par Rousseau. A la suite de Bacon au XVIIe
siècle et de son programme de maîtrise technique
de la nature, des philosophes des Lumières
proposent une nouvelle conception
de l’être humain et du monde placée sous
le signe du libre arbitre. Ils prolongent
la pensée des Humanistes pour lesquels l'homme
devenait la "mesure de toute chose".
Ces penseurs du XVIe siècle revendiquaient
l’autonomie de l’être humain, ainsi que
son libre
arbitre. Les Lumières défendent la perfectibilité
humaine sur les plan moral, politique et
social, c'est-à-dire qu'ils l'envisagent
dans un projet général démocratique d'amélioration
des conditions de vie sociales concrètes.
Ils débattent ainsi des moyens de cette
perfectibilité. Ils inscrivent donc leur
réflexion dans les combats sociaux et
politiques d'une société plus égalitaire
et plus juste. Aussi la perfectibilité de
l'homme est-elle comprise comme progrès
social.
A cette vision politique
se greffe une vision scientifique et
technique de la perfectibilité. Dans la lignée de Descartes, des philosophes
-
comme Condorcet notamment - pensent l'amélioration
humaine par la modification de nos contingences
biologiques. Les analogies entre le vivant
et la machine sont omniprésentes dans ce
siècle, notamment sous la plume de La Mettrie
qui évoque l'homme-machine, un concept-clé
du transhumanisme.
Le XIXe siècle est symptomatique
d'un pessimisme moral et politique. Se développe
alors une conception scientiste de la perfectibilité
humaine. Le darwinisme social porté par
Herbert Spencer (et non par Darwin lui-même)
et l'eugénisme se présentent comme de sombres
projets de sélection biologique pour améliorer la société.
Le traumatisme de la
Seconde Guerre mondiale engendre un pessimisme
moral qui, loin de remettre en cause la
rationalité technoscientifique, valorise
celle-ci au plus haut point. L'amélioration
doit donc porter sur l'humain uniquement.
Le projet humaniste et politique des Lumières
est occulté. Changer l'humain plutôt que
la société: tel est le fil conducteur de
l'héritage des transhumanistes. A la Libération,
l'influence du paradigme cybernétique du
scientifique Norbert Wiener rend la notion
d'homme-machine omniprésente dans les pensées
des philosophes. Rappelons que dans les
années 60 Vercors participa au colloque
consacré à l'homme, le robot et la machine.
L'homme étant considéré comme imparfait,
il s'agit de le perfectionner et de l'augmenter grâce
aux avancées technoscientifiques. La cybernétique
se révèle donc comme le soubassement du
posthumanisme. Plus loin dans cette page,
je développerai ces concepts lorsque je
comparerai des pans de la pensée de Vercors,
de Teilhard de Chardin et d'André Leroi-Gourhan.
La conception humaniste
de la perfectibilité liée au progrès
social a donc disparu dans l'idéologie transhumaniste
au profit de la conception technoscientifique.
Il s'agit donc de nous demander si dans
la pensée de Vercors les deux conceptions
ont cohabité, si l'une ne l'a pas emporté
sur l'autre dans certains domaines. Dans
quelles proportions hérita-t-il de celles-ci?
L'homme réparé
Réparer
les vivants
Avant d'analyser la partie
ultime - c'est-à-dire proprement transhumaniste
- de l'amélioration de l'humain, étudions
du point de vue de Vercors la première étape
de l'intervention des hommes sur le corps,
et ce, depuis l'aube de l'humanité. Dans
ce cas-là, la médecine a une visée thérapeutique
classique de rétablissement ou
de restauration de l'organisme humain. Il
s'agit en effet de réparer, de
soigner les humains. Il s'agit également d'augmenter la longévité
humaine, si possible en bonne santé. Nous comprenons
donc que soigner et réparer n’a rien à voir avec programmer et augmenter.
Vercors s'intéressa particulièrement
à ce qui pouvait réparer les hommes. Il
mit en scène de nombreux médecins et de
nombreux biologistes tels Olga et Mirambeau
dans Colères,
le père de Dorothy dans Sylva
; des malades comme Egmont et Cloots dans
Colères,
Le Gouadec dans Le
Commandant du Prométhée ;
des opérations chirurgicales comme l'opération
du cerveau dans La
Puissance du jour.
La
question le fascinait tant qu'il côtoyait
des scientifiques de son temps tels les
biologistes Jacques Monod et Ernest Kahane
(Questions
sur la vie à Messieurs les biologistes),
le docteur Claudine Escoffier-Lambiotte,
le physicien Alfred Kastler, le volcanologue
Haroun Tazieff, etc. En 1971, il rendit
hommage aux scientifiques de tous les temps
dans un essai qu'il réédita en 1978, Sens
et non sens de l'Histoire. Il
montra à quel point les recherches scientifiques,
leurs applications médicales permirent d'améliorer
progressivement le sort des hommes. Cette
médecine de plus en plus pointue soulagea
les humains de leurs maux physiques, des
souffrances corporelles, éradiqua des maladies
qui décimaient les populations. Ses vertus
thérapeuthiques prolongent également l'existence
des malades. C'est pourquoi Vercors se prononça
clairement pour la transplantation d'organes:
" Personnellement, je n’attache aucune valeur humaine à
la dépouille charnelle. J’approuverais donc d’avance
tout ce que l’on pourrait vouloir faire de la mienne soit pour
secourir un malade soit pour contribuer de quelque manière aux
sciences médicales" (Lettre de 1977 à Roger Maria).
Réparer, oui, mais à
quel prix? Dans l'état actuel des progrès
médicaux, Vercors refusait tout charnement
thérapeuthique au nom de la dignité humaine.
A Fernand Lecanu, il écrivit en 1976:
"Je vais, vous le savez, plus loin que Caillavet*,
étant depuis toujours en faveur de l’euthanasie active.
La mort m’apparaît moins redoutable pour l’intégrité
de l’esprit que l’extrême souffrance, dégradante
et désagrégeante. Mais je ne conçois pas de
réglementation applicable hors de la conscience de chacun. En
premier lieu, c’est au mourant de décider ; s’il
ne le peut (coma), c’est au médecin, sauf opposition de
la famille si elle veut tenter le dernier millionième de
chance (mais quel médecin laisserait mourir un malade contre
l’avis de la famille ?)
A l’inverse, l’acharnement thérapeutique contre
l’avis inverse est de plus en plus abandonné et le
sera avec le temps, je pense, tout à fait. Je crains qu’un
règlement légal ne produise des
conflits, donc des procès, des référés,
des artifices de procédures etc., pendant lesquels le pauvre
agonisant aura tout le temps d’épuiser son enfer.
Lorsque mon père est mort, dans une lucidité
abominable,
je me suis heurté au refus d’un médecin
catholique rigoureux. Il n’a pas pu pourtant me refuser une
piqûre calmante – endormant le mourant qui ne s’en
est pas, bien sûr, réveillé. C’était
de l’euthanasie active à peine camouflée. Avec
une réglementation, le toubib récalcitrant aurait pu
exiger l’aval de trois médecins, il eût fallu
attendre leur décision, etc…, et mon père
pendant ce temps aurait poursuivi son agonie terrifiante" [...].
Nous
avons été heureux versus Les jours heureux
Vercors mettait donc
tous ses espoirs dans la science, en particulier
dans la méthode expérimentale qui constitue
selon lui "le seul vrai progrès
mental" par rapport à l'hominien
(Sens
et non sens de l'Histoire,
page 180). Il suivait avec grande attention
les progrès de la médecine, au-delà même
de sa simple visée thérapeuthique, nous
le verrons plus loin dans cette page. Dans
son hommage aux chercheurs et à leurs prodigieuses
découvertes, il s'exalta
ainsi:
"En quelques
décennies, nous l'avons vu, l'espérance
de vie d'un nouveau-né a passé de quarante-cinq
ans au début du siècle à soixante-dix ans
à l'heure où s'écrivent ces lignes [...].
Sous Louis XIV, la vie moyenne d'un fils
de riche était trois fois plus longue que
celle d'un fils de pauvre. Cette forme intolérable
de l'injustice devant la mort, la médecine
l'efface, car elle ne connaît pas les classes
sociales: riches et pauvres dans nos pays
ont désormais autant de chances, ou presque,
de dépasser la soixantaine".
Si Vercors a raison au
sujet de
l'augmentation pour tous de l'espérance
du vie au fil des siècles grâce aux progrès
médicaux, avec une accélération
après la Seconde Guerre mondiale, il a à
plus d'un titre tort de dire que c'est la
médecine qui a réalisé cette égalité face
à la maladie et face à la mort:
- En effet, si riches
et pauvres ont autant de chances de dépasser
le même seuil de la soixantaine dans les années 70, l'écart d'espérance
de vie entre les classes sociales est toujours
aussi sensible. Les conditions d'existence
de Mirambeau sont meilleures que celles
des ouvriers écrasés par leur labeur dans
son roman Colères.
A travers les siècles, il y a eu un resserrement
de cet écart, certes, mais les chances restent
bien inégales (et en 2018 encore).
- Deuxième nuance de
taille à son argument: si riches et pauvres
ont autant de chances de dépasser le même seuil
de la soixantaine dans les années 70, il
faut s'interroger sur l'état de santé des
membres de chaque classe sociale. Là encore,
les chances ne sont absolument pas identiques
(et en 2018 encore).
- Troisième et dernière
errreur, la plus fondamentale: "Cette
forme intolérable de l'injustice devant
la mort, la médecine l'efface, car elle
ne connaît pas les classes sociales"
est un argument totalement erroné, parce
que là encore Vercors réfléchit dans l'abstrait
et ne regarde pas concrètement le réel.
Ce ne sont pas les progrès de la médecine
qui in fine effacent les différences
entre classes sociales. Une preuve tangible
est de constater que la médecine soigne
telle maladie dans certains pays et pour
tous, et pas dans d'autres pour les pauvres.
Pourquoi? Parce que les pauvres de ces pays-là
n'ont pas
accès à ces soins à cause de leur manque
d'argent et à cause d'une absence de protection
sociale pour tous.
Ce n'est donc pas la
médecine qui efface l'injustice entre les
classes sociales, mais les acquis sociaux
pour lesquels le peuple a dû se battre.
Ainsi, plutôt que d'acquis sociaux, nous
pourrions davantage parler de conquis sociaux.
Et le conquis social qui a permis des progrès
sociaux et humains exponentiels à la
Libération, c'est le programme politique
révolutionnaire du Conseil National de la
Résistance. Ce programme fut nommé "Les
Jours heureux". Naquirent notamment
la Sécurité Sociale et les premières
lois sur les retraites par répartition.
La solidarité interprofessionnelle et intergénérationnelle
permit alors que la vieillesse ne soit plus
le signe de la pauvreté coomme elle l'était
auparavant. Elle permit à tous l'accès gratuit
(ou presque) aux soins de qualité.
A la Libération, Vercors
publia un texte succinct "Nous avons
été heureux". Il signifia son bonheur paradoxal
d'avoir vécu une solidarité désintéressée
pendant l'Occupation, loin de la concurrence
indélicate et la course aux honneurs habituelle
du milieu intellectuel. Dans "Nous
avons été heureux", il se plaçait donc
sur le plan moral et n'observait que son
milieu quand "Les jours heureux"
se positionnait sur le plan politique et
social pour tous. A aucun moment dans ses
essais, en particulier dans son récit de
l'aventure millénaire des hommes de Sens
et non sens de l'Histoire,
il ne mentionna ce pendant politique indispensable.
Il oublia singulièrement les conquêtes sociales
qui entraînèrent pour la majorité des gens
une amélioration des conditions de vie concrètes,
dans le cas de la médecine des conditions
de santé, d'amélioration de l'espérance
de vie, qui plus est en meilleure santé.
Les progrès de la médecine
que Vercors vantait tant (et à juste titre)
sont une condition nécessaire, mais non
suffisante.
Le récit de la recherche
expérimentale est important, son pendant
politique des conquis sociaux l'est tout
autant pour saisir que la justice sociale
et l'égalité entre les hommes n'existent
pas sans ce projet politique.
Son essai Sens
et non sens de l'Histoire
se présente donc sous cet angle-là comme
scientiste dans la mesure où des deux directions
que prit la perfectibilité des Lumières
(évoquées plus haut dans cette page), Vercors
ne retint que l'aspect technoscientifique.
Pour autant, il ne faut pas croire que l'écrivain
n'avait pas chevillé au corps le projet
politique collectif d'émancipation des hommes.
Ce penseur de gauche le désirait autant
pour l'accélération des progrès scientifiques
que pour la dignité de tous les humains.
Sa visée est donc double. Il se révèle bel
et bien l'héritier des Lumières sur les
deux plans. Toutefois, je l'ai déjà dit
maintes fois sur ce site, l'idéaliste Vercors
était travaillé de l'extérieur par la politique.
Quoiqu'ayant en tête ce souci d'égalité
sociale, il mettait à l'écart le réel concret
pour élaborer un système intellectualiste
partiel, car déconnecté du réel.
L'homme de mieux en mieux
réparé relève de l'avancée des progrès scientifiques,
les hommes tous réparés dépendent des luttes
sociales que les gouvernements successifs
jusqu'à nos jours combattent avec acharnement
pour, à coups de réformes destructrices,
vider de leur substance "Les jours
heureux".
L'homme
augmenté
"Recherche
de l'immortalité"
Le désir d'immortalité est
ancien. Qu'il soit perçu comme tentation d'hybris
ou non, il relève de la volonté de
l'homme de s'arracher à sa condition de
mortel. Les transhumanistes contemporains
l'espèrent d'autant plus que les progrès
scientifiques sont fulgurants. Ils héritent
de la pensée du XVIIIe siècle. Condorcet
notamment imaginait "un temps
où la mort ne serait plus que l’effet, ou d’accidents extraordinaires,
ou de la destruction de plus en plus lente des forces vitales, et
qu’enfin la durée de l’intervalle moyen entre la naissance et cette
destruction n’a elle-même aucun terme assignable" (Esquisse d’un tableau historique de progrès de l’esprit humain).
La
Danse des vivants
offre une
planche sur la recherche de l'immortalité.
Celle-ci
est bien dérisoire dans ce monde infini
où les hommes ne sont que "mouches
en bouteille" pour reprendre
les termes de Jean Bruller. Cet album,
à la fois affilié et opposé aux Pensées
de Pascal, montre que cette quête
est illusoire dans ce vaste univers, surtout
lorsqu'il est dépourvu de sens. "L'athée"
est ce religieux qui a perdu toute foi,
pendant que des astronomes braquent
leurs téléscopes géants vers le ciel en
scrutant des réponses, si ce n'est métaphysiques,
du moins scientifiques.
Dès les années 30, nous percevons
donc que Jean Bruller avait foi en la science
pour percer les mystères de la nature. Et,
après guerre, ce n'est plus en gravant son
nom sur une colonne que l'homme
recherche une immortalité bien incertaine.
C'est en misant sur les recherches des hommes
de sciences. Vercors énonce alors un apparent
paradoxe: le cœur de la recherche médicale
repose sur la quête de l'immortalité
humaine, même si l'avènement de cette immortalité
n'est pas souhaitable:
Il est hors de question que la
médecine et la chirurgie puissent nous rendre éternels, réduire
notre mortalité à zéro. C’est pourtant dans l’étude raisonnée
de cette hypothèse que gît le fondement éthique de la Chirurgie (Lettre de
Vercors à Pierre Jourdan datée du 10 octobre 1954)
Pour
Vercors en effet, le chirurgien est un rebelle
à la nature qui condamne les hommes à mourir,
alors qu'il n'y aurait aucune nécessité
biologique à notre finitude. Vercors prête
- comme souvent - des intentions à une nature
qui, dans sa vision panthéiste, remplace
Dieu. Etre en sédition contre cette Nature
(Voir ma page La
Sédition humaine), c'est court-circuiter
le programme fatal auquel celle-ci
condamne les humains:
La Vie humaine, plus précieux
de tous les biens. Et pourquoi donc ?
La nature nous enseigne le
contraire. La vie de l’individu est le bien le moins précieux, le
plus galvaudé. Le plus précieux pour la nature est la génération
en grand nombre, elle préfère le nombre à la durée. Ce sont les
hommes qui veulent renverser cette préférence: c’est une des
formes de leur rébellion. Ils ne le savent pas peut-être, – ne
veulent pas le savoir, à cause de cette peur qu’ils ont de se
savoir rebelles à la nature. C’est ainsi qu’ils se félicitent
de se « prolonger dans leurs enfants », alors que c’est
parce qu’ils ont des enfants qu’ils doivent au contraire mourir.
Si la nature avait choisi la durée au lieu du nombre nous serions
éternels : il n’y a aucune nécessité biologique à la mort
de nos cellules, on le sait désormais. Mais la nature préfère
partager les risques : et nous avons des enfants pour disséminer
les risques courus par l’espèce sur des individus sans cesse
renouvelés (éternels, leur destruction accidentelle serait sans
appel et déterminerait la fin de l’espèce) ; ayant donc ces
enfants nous devons leur céder la place. C’est pourquoi la
vitalité des cellules commence à péricliter dès la naissance :
elles se « laissent mourir », exactement. Comme les
feuilles de l’arbre à l’automne.
Ce
propos, Vercors le tient autant dans son
roman Colères
que dans sa lettre
à Pierre Jourdan contemporaine de l'écriture
de ce roman. Les expériences du personnage
de Mirambeau dans Colères
prouvent
que la vieillissement cellulaire n'est pas
une fatalité biologique. Dans cette fiction
des années 50 comme dans son entretien A
dire vrai daté
de 1989, Vercors tire le bilan que les
cellules vieillissent "exprès".
L'immortalité
effective n'est pas humainement souhaitable,
dixit Vercors. Pourtant, nous le verrons
plus loin sur cette page, sa pensée est
plus ambiguë. Du moins Vercors envisageait-il
la possibilité scientifique de la découverte
de l'homme éternel. Et s'il fallait envisager
sa réalisation, Vercors ne perdait jamais
de vue l'intégrité de la personne humaine.
Rendre le corps immortel n'est pas suffisant
si ce qui fonde le moi ne subsiste pas.
A André Daleux, membre du groupe d'études
sur Teilhard de Chardin, Vercors écrivit:
"Je vous remercie aussi
de m’avoir envoyé votre travail sur une nouvelle conception de
l’immortalité et de l’au-delà en accord avec les théories de
la Relativité et des Quanta. Je l’ai lu bien entendu avec le plus
vif intérêt, même si ce double problème n’a jamais représenté
pour moi un motif d’interrogation : une immortalité qui n’est
pas ( ne peut pas être) un prolongement du JE me paraît comporter
aucun sens pour ce JE (vivant)".
Vercors
alla jusqu'à imaginer la possibilité de
l'immortalité dans sa dystopie Quota
ou les Pléthoriens.
Ce roman est une charge féroce contre le
capitalisme décrit comme un fait social
total. A Pierre Ryanol, il décrivit
la fin de sa fiction ainsi:
"Dans le canular en
question j’imagine la découverte d’un antibiotique d’une telle
polyvalence qu’il guérit en une nuit toutes les
maladies – du rhume de cerveau au cancer. Plus besoin de médecine.
Ni de médecins. Que va-t-on faire des millions de gens qui vivaient
des malades ? Des jeunes qui se préparaient aux carrières
médicales ? Alors bien entendu on va au plus facile et l’on
interdit l’antibiotique".
Dans le
cadre du fonctionnement du système capitaliste
tel qu'il est décrit dans sa fiction des
années 70, cette découverte est cachée au
grand public. Réécrit à notre époque, ce
roman aurait probablement connu une autre
conclusion, le capitalisme actuel ayant
une capacité d'absorbtion formidable
et trouvant son intérêt dans les avancées
technoscientifiques.
De
l'homme-machine: le paradigme cybernétique
Le rêve cybernétique
a façonné profondément la réflexion des
intellectuels après la Seconde Guerre mondiale.
Il vise à perfectionner et à augmenter par
les techniques et les sciences l'homme qui
est considéré comme une machine imparfaite.
Dès lors, les frontières entre l'humain,
le vivant et la machine s'amenuisent. Pour
cet avènement de l'homme-machine, les ouvrages
et les colloques se multiplient. Vercors
participa en 1965 à une rencontre internationale
à Genève portant sur "Le
robot, la bête et l'homme".
Les penseurs devaient s'interroger sur ce
qu'est l'humain et tenter de contrecarrer
la réflexion cybernétique consistant à réduire
l'homme à un robot. Ils devaient trouver
la spécificité de l'homme qu'aucun robot
n'aura jamais. Dans sa communication "Un
avenir cohérent", Vercors
ne s'attaqua pas de front à la comparaison entre
l'homme et la machine. Fidèle à lui-même,
il s'appesantit sur l'homme exclusivement
et résuma ce qu'il estimait être la quintessence
de l'homme. Cette mise à l'écart du robot
et de la machine dans son discours, non
expliquée, est compréhensible si nous lisons
la préface des Animaux
dénaturés. Cette préface
se présente comme un dialogue avec
l'ingénieur chimiste Jacques Bergier: Vercors
acquiesce lorsque ce dernier stipule que "la tendance
d'assimiler l'homme à une machine est fausse,
et que la cybernétique se trompe sur ce
point. Une machine est une machine, justement
parce qu'elle ne pense pas. A mon sens,
il ne peut y avoir de machines humaines".
C'est pourquoi, lors des rencontres à Genève,
Vercors préféra se focaliser sur l'homme
et mettre de côté la machine et le robot.
Nous pourrions ainsi
conclure que Vercors contesta le paradigme
cybernétique. Pourtant, l'écrivain partageait
des pans entiers de ce dernier.
Selon l'un des postulats de ce courant de
pensée, le cerveau est un système extraordinaire
d'organisation de l'information. Les écrits
de Vercors fourmillent de comparaisons entre
le cerveau et l'ordinateur, entre le cerveau
et la machine. Vercors partageait avec les
cybernéticiens cette conception informationnelle et adaptative
(adaptativité technoscientifique) de l'être
humain et de son évolution, et particulièrement
de son corps. Il souscrivait en effet au
concept d'entropie, cette tendance inéluctable au désordre qui
régit tout système. De facto, l'homme
semble condamné à s'éteindre. Or, il
a la possibilité d'échapper à cette inéluctabilité
par sa capacité à rétroagir avec son environnement.
Il peut extraire de cet environnement des
informations propres à adapter sa conduite.
Ce traitement optimisé de l'information
permet l'adaptabilité tecnoscientifique,
donc permet d'améliorer la condition humaine.
Investir le domaine de
l'esprit est ainsi nécessaire. Il convient
dans le paradigme cybernétique de comprendre
le fonctionnement du cerveau (un sujet central
chez Vercors) et de créer des machines à
penser, plus performantes et plus rationnelles
que l'humain. Aussi la différenciation ontologique
entre l'homme et la machine disparaît pour
des penseurs cybernéticiens tel Norbert
Wiener. Ceux-ci dépassent la pensée évolutionniste
qui, elle, réalise la distinction entre l'homme
et le vivant et ne va pas jusqu'à la distinction
entre l'homme et la
machine. Nous l'avons vu plus haut dans
cette page, Vercors continue à tracer la
frontière entre l'homme et la machine, au
point de laisser de côté les arguments spécifiques
au robot et à la machine. Nonobstant ce
désaccord avec la cybernétique, Vercors
partageait le souhait d'une société pacifiée,
opposée aux horreurs de la Seconde Guerre
mondiale, grâce à un fonctionnement rationnel
performant. Ainsi, s'il n'envisagea pas
comme les cybernéticiens une machine à penser
supérieure à l'homme, il intégra ce concept
au sein de l'homme lui-même. Le cerveau
de l'homme, analysé comme une machine, parviendra
à livrer ses mystères grâce aux technosciences
et sera de ce fait perfectionné, programmé,
voire reprogrammé. Les recherches scientifiques
sont donc une lutte contre l'humain imparfait
(corps et cerveau), pour dépasser cette
faiblesse et faire advenir un "ultra-humain".
L'ultra-humain,
ou l'homme augmenté selon Teilhard
de Chardin et Vercors
L'"ultra-humain"
fait partie du sytème de pensée
du paléontologue croyant Teilhard de Chardin.
Vercors fut sensible à ses théories
mi-scientifiques, mi-métaphysiques. Il présenta
même leurs systèmes respectifs comme les
deux faces d'une même médaille: si Chardin,
au final, ramène tout à "l'Esprit",
Vercors ramène tout, dit-il, à
la "Matière". Mais, dans
le système mi-matérialiste mi-idéaliste
de Vercors, le rapprochement des deux pensées
le séduisait et il en vint même à prophétiser
pour l'avenir de l'humain la fusion entre
ces deux théories qu'il nomma sous la forme
du mot-valise "l'Estière":
"La grande différence entre l'hypothèse Teilhard (le dehors et
le dedans) et celle que je dois bien appeler Koestler-Vercors (l’onde
et la particule), c'est que la première est philosophique de la
seconde pré-expérimentale. Ni Teilhard ni Princeton ne sont plus
loin que de construire ce qu'on appelle en physique un « modèle ».
Tandis que K-V indiquent la possibilité d'une vérification
expérimentale au niveau de l'organisation la plus élémentaire.
Et alors, si ça marche, il devient tout à fait idiot de se
disputer si tout doit être ramené à l'esprit ou
à la matière, puisque l'un et l'autre seraient unifiés. Il n'y
aurait pas l'esprit et/ou la matière, il y aurait l'esprit-matière
absolument indissociable. Faudra-t-il lui trouver un troisième nom ?
si on disait l’Estière ?" (Lettre à Paul Misraki, 2 mai 1977).
Les ouvrages de Chardin,
partant de l'évolutionnisme du XIXe
siècle, racontent le lent processus de complexification
et de spiritualisation croissantes du processus
évolutif des hommes, jusqu'à une future
perfectibilité humaine. Nourri au paradigme
cybernétique, Chardin, perçu comme précurseur
du transhumanisme, fonda ses espoirs et
ses croyances - appuyés par les avancées
technoscientifiques - sur le dépassement
de l'homme et sur l'avènement d'un posthumain
parfait.
Son évolutionnisme, loin
de la pensée humaniste des Lumières, rejoint
le temps cosmique. L'homme n'est qu'un épiphénomène
dans la chaîne évolutive, comme le stipule
son ouvrage L'Emergence du
phénomène humain. Il est étonnant de
voir à quel point le récit de la marche
évolutive de Vercors rappelle
celui de Chardin. Tous les deux partent,
dans leurs ouvrages respectifs, de la matière
élémentaire jusqu'à l'apparition de la vie.
Tous deux voient dans l'apparition du système
nerveux central un nouveau stade de l'évolution.
La pensée chez l'homme fut un nouveau franchissement
original et décisif. Ce stade est appelé
par Chardin la "noosphère",
c'est-à-dire la « strate pensante de la biosphère ».
Si Vercors se délesta
des termes de "cosmosphère",
de "biosphère" et de "noosphère"
de Chardin, il montra son accord avec
le récit de ce dernier. Il perçut dans la
pensée de Chardin une complémentarité avec
la sienne. Ainsi, en 1974, à Jean Piron,
journaliste à la revue La Pensée et les
hommes, il commenta ses théories sur
la spécificité humaine en convoquant Chardin:
"C’est
justement en constatant, dès cette époque, la nature
progressive, sans rupture brutale, de l’hominisation que
je m’étais efforcé, par éliminations successives de tout
ce qui reste commun à l’homme et à l’animal,
d’isoler le seul point qui ne l’est pas, c’est-à-dire,
l’interrogation. Que celle-ci ait elle-même pris naissance
lentement, par paliers, c’est probable bien entendu ; mais
maintenant elle est là, l’animal subit sa
nature sans interroger, l’homme refuse la sienne et interroge, et
voilà la frontière tracée au couteau. C’est, si l’on veut, la
conséquence du « pas de la réflexion » cher à Teilhard
du Chardin".
Les deux pensées se rejoignent
encore lorsqu'il s'agit d'envisager l'avenir:
l'homme tel qu'on le connait à ce stade
de l'évolution est appelé à être dépassé.
Le postulat de Chardin part du principe
d'une spiritualisation croissante qu'il
nomma le "point Omega".
Ce point Omega n'est pas seulement le point
de perfection de l'homme désormais "ultra-hominisé".
Il est une fusion des consciences humaines
dans le Cosmos. Or, Vercors envisageait
ce même scénario d'un posthumain réintégré
à l'échelle de l'univers, de manière parfaite
et harmonieuse, là où notre stade actuel
constitue une lutte contre la nature, contre
notre nature ou, comme le signale son titre
de 1949, une Sédition
humaine.
Comment parvenir à cette
surhumanité? Chardin et Vercors tombèrent
d'accord pour espérer dans les interventions
techniques et médicales sur le cerveau.
Ils étaient persuadés que l'on peut augmenter
les performances de ce qui est présenté
comme un cerveau-machine, qu'on peut perfectionner
les facultés cérébrales. La citation qui
suit, écrite par Teilhard de Chardin, est
peu ou prou identique à ce qu'écrivit Vercors,
essentiellement dans sa correspondance avec
Paul Misraki publiée sous le titre Les
Chemins de l'Etre, dans ses
lettres à Ernest Kahane éditées dans Questions
sur la vie à messieurs les biologistes:
« - ou
bien par mise en circuit de neurones déjà
tout prêts à fonctionner, mais encore inutilisés
(et comme tenus en réserve) dans certaines
régions (déjà repérées) de l'encéphale,
où il s'agirait seulement d'aller les réveiller
; – ou bien, qui sait ? par provocation
directe (mécanique, chimique ou biologique)
de nouveaux agencements ».
Les théories de Vercors,
âprement discutées avec Misraki, Kahane,
Beigbeder, etc., sont ardues. Publiées,
les lettres sont destinées à un public d'initiés.
Vercors avait toutefois le souci permanent
d'exposer sa pensée à un plus large public.
Pour ce faire, il passait par le biais de
la fiction. C'est dans la dystopie de l'écrivain
Cloots, personnage du roman Colères,
que Vercors évoqua le sujet transhumaniste
de l'homme augmenté et perfectionné. Je
vous propose d'en parler dans la dernière
partie de cette page.
Il existe néanmoins une
différence fondamentale entre les deux penseurs.
Il ne s'agit pas de celle que Vercors s'ingénia
souvent à faire remarquer auprès de ses
interlocuteurs. Selon lui en effet, sa théorie
pourra dans le futur être expérimentée afin
d'être ou non validée. Contrairement à la
théorie de Chardin, la sienne pourra être
vérifiée par la science expérimentale. Ce
que Vercors voyait comme une différence
entre eux n'est en réalité, et quoi qu'il
dise, qu'une différence à la marge, parce
qu'au fond leurs systèmes sont un mélange
de science et de religiosité.
En revanche, des propos
de Chardin sont en totale opposition avec
la pensée de Vercors. Chardin croyait en
la possibilité de remodeler le système
hormonal humain, et espérait contrôler l’hérédité et
la sexualité par la bio-ingénierie. Dans
L'Énergie humaine, publié en 1962
de manière posthume, le moine paléontologue
Chardin écrit ce que Vercors aurait hautement
désapprouvé:
« Sur ce terrain, les apôtres du « birth-control » nous auront rendu un
service : celui d’ouvrir nos yeux à l’anomalie d’une société qui
s’occupe de tout sauf d’organiser le recrutement de ses propres
éléments. Or l'eugénisme ne se limite pas à une simple sélection des
naissances. Toutes sortes de questions connexes s'y rattachent, à peine
soulevées encore, malgré leur urgence. Quelle doit être, par exemple,
l'attitude de fond à adopter, vis-à-vis des groupes ethniques fixés ou
décidément peu progressifs, par l'aile marchante de l'Humanité ? La
Terre est une surface fermée et limitée. Dans quelle mesure doit-on y
tolérer, racialement ou nationalement, des aires de moindre activité ? -
Plus généralement encore, comment faut-il juger les efforts que nous
multiplions, pour sauver, dans les hôpitaux de toutes sortes, ce qui
n'est souvent qu'un déchet de vie ? ».
Depuis toujours, et plus
encore après les exactions nazies, Vercors
fustigea toute pensée eugéniste. Pour ne
prendre qu'un exemple, il s'opposa à l'ouvrage
de Jean Rondot en 1965 en ces termes:
Cher Monsieur,
Je vous remercie de
m’avoir envoyé votre livre, que j’ai lu avec l’attention la
plus soutenue.
Mais il me faut bien
vous dire que, sur les principaux points, je suis profondément en
désaccord. Veuillez m’en excuser !
Votre
hypothèse d’une race académique abâtardie par unions avec
d’autres races d’hominiens inférieurs est ingénieuse,
malheureusement elle ne repose sur aucun élément concret. Sur les
centaines de crânes fossiles déterrés en tous lieux du globe,
aucun n’est en progrès sur celui de Cro-Magnon. Etant les moins
anciens de tous, de tels crânes auraient dû au contraire être
déterrés bien plus nombreux. Toute construction sur une hypothèse
aussi gratuite n’a, je le crains, pas plus de solidité.
Vous supposez que les
sociétés démocratiques sont basées dites-vous, sur une idée
fausse : l’égalité biologique et mentale entre les hommes.
Mais c’est un contresens. Personne ne croit à une telle égalité.
« Les hommes naissent égaux en droits »,
dit la Déclaration, et non pas : en fait.
Cela signifie que ce qui est égal chez tous les hommes, c’est leur
déplorable condition face à l’Univers. Le contrat social consiste
à remédier à cette condition, et en premier lieu à
pallier aux inégalités de naissance. Au lieu de cela,
distribuer les droits en fonction de ces inégalités, allouer
toute la puissance aux plus favorisés, et aux plus faibles
l’obéissance, ce serait rétablir une nouvelle féodalité.
L’inégalité des
races humaines ? Des asiatiques tels que Gandhi et
Mao-Tse-toung, des noirs tels que Dubois et Martin Luther King, sont
mentalement très supérieurs à la plupart des Blancs. Revoyez
l’histoire de la fillette Tupi (tribu de l’Amazonie demeurée,
par son isolement, à un niveau néanderthalien) recueillie à trois
mois, ramenée en France, et actuellement docteur en biologie. Tout a
prouvé que le niveau mental d’un groupe est fonction, non des
encéphales, mais de l’environnement. C’est la cause qu’il faut
changer, et non s’appuyer sur les effets. On sait où cela mène
(aux ventes d’esclaves et au nazisme). Votre souhait d’une
dictature des Sages pour rétablir la balance se heurte à toutes les
lois économiques et ne pourrait se réaliser que dans une société
communiste idéale où tous les problèmes, toutes les oppositions
d’intérêt, auraient été résolus sur toute la surface du globe.
Nous en sommes loin. Face aux contradictions, aux rivalités
économiques, la sagesse ne tiendrait pas une heure.
D’ailleurs votre
eugénisme par union des meilleurs cerveaux, outre qu’il
s’attaquerait directement, puisqu’une telle pratique ne pourrait
se faire que par contrainte et voie d’autorité, au premier des
droits de l’homme, la liberté, répond à un présupposé que la
réalité contredit constamment. L’idée que la quantité
d’intelligence se transmet par les chromosomes est contraire à
toute expérience. La plupart des hommes supérieurs ont eu une
ascendance et une descendance des plus médiocres, et inversement.
Avant de pouvoir édicter en règle une pareille sélection, il
faudrait avoir poursuivi avec succès des milliers d’expériences
sur plusieurs générations. Je suis du reste, pour ma part, persuadé
qu’elle ne réussirait pas.
De ces objections sur
vos options fondamentales, il suit que je ne peux pas vous suivre non
plus sur les corollaires. Cela ne veut pas dire que je considère
votre livre comme inutile (il eût été dangereusement nocif il
y a vingt-cinq ans, heureusement cette époque périlleuse est
révolue). Il est toujours bon que des idées soient proposées à la
discussion, et empêchent ainsi qu’on s’endorme sur des
conceptions sclérosées.
Veuillez agréer,
cher Monsieur, l’expression de mes sentiments les plus
attentivement cordiaux,
VERCORS
P.S. Je vous signale
la parution de mon dernier livre, Les Chemins de l’Etre,
où je propose mes propres idées sur l’avenir de l’espèce
humaine.
L'homme
adapté
L'homme
diminué
Nous l'avons étudié, la
pensée de Vercors était imprégnée de transhumanisme.
Ce souhait d'un "ultra humain"
est, dans le système global de Vercors,
une réponse insurrectionnelle à ce
que la Nature (avec la majuscule dans la
perspective panthéiste et métaphysique de
Vercors, même s'il le dénia devant ses interlocuteurs)
fit volontairement contre ce séditieux:
un homme diminué.
En effet, selon le récit
de Vercors, la Nature "décida"
de punir l'homme qui s'arracha à sa condition
prévue par elle, donc qui ne fit plus un
avec elle. Il se posa face à elle et lutta
pour lui subtiliser les secrets et les mystères
qu'elle souhaitait garder pour elle (voir
ma page sur La
Sédition humaine
ou Sylva).
Pour ce faire, elle programma ainsi le cerveau
de l'homme afin qu'il ne sache pas. Elle
en fit donc un homme diminué, puisque toutes
les potentialités du cerveau ne sont pas
actualisées, et un homme adapté à ses volontés.
Dans son roman Colères,
Vercors symbolisa sa fable anthropologique
par le biais de la dystopie du professeur
de latin et écrivain Cloots. Ce dernier imagine
une île qu'il nomme symboliquement "Anabiosis"
qui se présente comme un microcosme de notre
condition humaine. Voici un large extrait
de cet univers inventé par Cloots:
"Mais pas du
tout une île déserte. Au contraire. Une
île plutôt surpeuplée. En fait, c'est un
camp de concentration. V'comprenez? Un camp
de la mort lente. [...]
Les gens croient qu'ils
y naissent. Mais il s'y réveillent. V' comprenez?
A force de recoupements, de fouiner dans
les documents, j'ai découvert qu'il est
probable qu'ils y sont importés de force
d'un continent inconnu, immense et lointain.
Quelques-uns sur l'île s'en doutent aussi.
Mais c'est invérifiable.
- Les gens ne s'en
souviennent pas?
- Non. La première
chose à l'entrée du camp, c'est un coup
de bistouri au niveau de la nième circonvolution,
celle de la mémoire. V' Comprenez? Amnésie
complète. Il faut tout rapprendre: à parler,
à lire.
- Qui donne le coup
de bistouri?
- On ne sait pas.
Probablement les Jungfrau - les jeunes
fillles. Le camp est gardé par des jeunes
filles, d'ailleurs adorables, exquises à
regarder. C'est pourquoi les gens refusent
de se croire dans un camp. Pour dire mieux,
ils n'en ont pas idée. V' comprenez, ils
ne savent ni qu'ils sont prisonniers, ni
qu'une autre vie est possible. C'est ce
qui rend leur condition tellement mystérieuse.
Bien qu'elle leur semble aussi toute naturelle,
v' comprenez, puisque depuis des centaines
de générations c'est la seule qu'ils aient
connue. Il n'en imaginent, ils n'en peuvent
pas imaginer une autre. Ce qui rend Buchenwald
intolérable, c'est que les détenus n'y étaient
pas nés. S'ils s'y étaient trouvés de père
en fils depuis vingt-cinq mille ans, ils
s'y seraient faits, comme nous tous sur
terre: "Que voulez-vous, c'est la condition
humaine..." [...]
[Les jungfrau]
sont belles. V' comprenez, si nos jardins,
nos paysages ressemblaient aux déserts gelés
du Labrador, si nos arbres, au lieu de cerisiers
en fleurs, étaient en fil de fer barbelé,
nos prairies, nos collines en vieux carton
bitumé, nous regarderions la nature d'un
autre oeil, non? Et du même coup notre condition
sur cette planète. [...]
[Les jungfrau]
sont d'une cruauté inouïe [...]. Pourtant
on les adore. On vit dans la terreur mais
on les adore. Peut-être parce que leur cruauté
ne se voit pas [...]. Et puis on ne peut
pas se passer d'elles. Elles ont tout: les
vivres, les matériaux. Sans elles, le camp
crèverait sur place. [...]. Mourez de faim
à leurs pieds, ou du typhus, elles ne lèveront
pas le petit doigt. Mais fracturez leur
placard pour y chiper les conserves ou du
sérum, elles ne font rien de plus pour l'empêcher.
Elles se contentent de les regarnir, sans
se lasser. [...]
Elles ne vous voient
même pas: personne n'a jamais pu rencontrer
leur regard. Au reste, complètement sourdes
et muettes. Aucune communication possible.
[...]
Dès l'arrivée, on
pique tous les détenus: aux reins, à la
prostate, ou à l'aorte, ou ailleurs. V'
comprenez? Ils portent ainsi dès l'entrée
leur mort avec eux. Mais ils ne savent pas
où. Pour eux, ça reste une loterie, le hasard.
Simplement ils savent qu'ils ont cinq ou
six ans à vivre, tout au plus, et puis leur
organe piqué les lâchera, dans d'horribles
douleurs, et qu'ils trépasseront. [...]
Eux se trouvent très
contents, mes Anabiosiens, d'avoir six ans
à vivre. V' comprenez, six ans, on a le
temps de voir venir. Pensez qu'autrefois,
avant d'avoir enfin déniché dans les placards
les fioles d'antibiotiques, la moyenne sur
Anabiosis était de trois ans à peine. D'ailleurs
il y a des durs à cuire qui vont jusqu'à
huit ans, même dix ans. Ce sont les décennaires.
On les fête, on en parle dans les journaux.
Et ça fait espérer qu'avec les progrès de
la médecine on pourrait normalement vivre
aussi vieux. V' comprenez? Certains prétendent
que rien n'empêcherait de vivre jusqu'à
quinze ans, vingt ans. Mais on en rit comme
d'une utopie. [...]
- Quand même, pourquoi
les tue-t-on si tôt?
- A cause des jeunes.
[...] C'est comme ça qu'on appelle les nouvelles
recrues. V' comprenez, il fallait choisir.
C'est une question d'administration. Le
camp n'est pas extensible. Donc ou bien
l'on garde les mêmes, mais alors on ne les
remplace pas, v' comprenez, où mettrait-on
les recrues? Ou bien on en importe tous
les ans, de ces recrues, mais alors il faut
liquider les autres. Pour toutes sortes
de raisons, le renouvellement a paru préférable.
[...]"
Dans cette fable symbolique,
l'immortalité a été refusée à l'homme par
une Nature hostile et impavide, alors qu'elle
serait possible. L'homme souffre de cette
existence, mais ne se pose pas de questions,
ou si peu. Il s'est adapté à ce conditionnement.
Pourtant, certains se réveillent de leur
léthargie et s'interrogent. Cette interrogation,
base de la spécificité humaine pour Vercors,
se transforme en révolte. Cette sédition
se décline en recherches scientifiques (comme
Mirambeau dans le roman) ou en recherches
littéraires, philosophiques (comme Cloots).
Conscient désormais de
ce conditionnement, l'homme tente de battre
en brèche la volonté de cette entité supérieure
en perçant les mystères du cerveau pour
le reprogrammer, pour contourner ce fameux
coup de bistouri dont parle Cloots dans
sa dystopie. Ces recherches technoscientiques,
espérait Vercors, déboucheraient sur l'avènement
de cet "ultra humain"
que j'ai étudié plus haut dans cette
page.
L'homme
désincarné
Cet
"ultra humain" est
un homme désincarné, comme celui de Teilhard
de Chardin. En effet, ce scénario anthropologique
futuriste relève des philosophies idéalistes.
La dystopie de Cloots évoque le fait que
les hommes sont des prisonniers. Cela rappelle
le mythe de la caverne de Platon auquel Vercors
fit référence explicitement et de façon
imagée:
Symbole pour symbole,
je préfère en revenir à la prison de Platon
et imaginer les prisonniers perçant l’épaisse
cloison devant eux avec une chignole et
une mèche de 1m/m : ils font des petits
trous, des tas de petits trous qui leur
permettent d’apercevoir successivement,
au bout de chaque minuscule tunnel, ici
la point d’un brin d’herbe, là une patte
d’insecte, là le reflet d’un lac, une touffe
de poils, une pétale de marguerite, une
griffe, une miette d’arc-en-ciel, etc.etc.
Ils ont beau multiplier les trous, ils n’attrapent
jamais que ces bouts de détails absolument
hétérogènes qui ne leur permettent pas de
se faire la moindre représentation d’ensemble
du monde extérieur. Ça paraît donc désespéré
et leur Heisenberg aurait toutes les raisons
de codifier cette impossibilité, d’autant
qu’ils ne peuvent coller l’œil à un trou
qu’en masquant tous les autres. Oui – jusqu’à
ce qu’un seul trou de plus, en désagrégeant
subitement la paroi en ce secteur, en fasse
tomber un pan où passer toute la tête :
et c’est la vue soudaine d’un ensemble cohérent,
celui d’un paysage où l’herbe, l’insecte,
le lac et ses poissons, la pluie et l’arc-en-ciel,
l’oiseau, les fleurs, les bêtes à poils,
etc.etc., expliquent non seulement le «
comment » relatif mais déjà un « pourquoi
» relatif des mille petites observations
restées jusque là sans lien, relations et
ensemble dont ils n’avaient pu, à travers
chaque trou minuscule, acquérir la première
notion. Déjà dans la grotte de la science
où n’ont pourtant été percés encore qu’un
nombre infime de petits trous, certains
se sont élargis et rejoints et des relations
apparaissent – entre la physique, la chimie,
la biologie par exemple. Bien sûr des mèches
cassent, d’autres s’usent, des trous s’ouvrent
sur des vues trompeuses, mais je ne vois
pas pourquoi, à la longue, le paysage quasi-total
n’apparaîtrait pas (Lettre de Vercors
à Marc Beigbeder).
Vercors croyait en un
savoir définitif et bouclé. Il assignait
à la science le soin de répondre non seulement
à la question "comment", mais
également à la question métaphysique "pourquoi".
Chaque découverte scientifique est l'avancée
vers la "Connaissance" absolue,
comme le rêvait l'écrivain. Vercors glissait
constamment vers un idéalisme platonicien.
D’une part dans cette idée de la « misérable
et infime caricature de quelque chose [qu’est
la vie sur terre] de fantastiquement
plus énorme et complexe que l’on pourrait
appeler la VIE universelle » (Lettre
à Jean Israël), sorte de calque d’un monde
sensible ombre des Idées qui existent en
soi. D’autre part, dans l’idée de la connaissance
infuse totale, réminiscence perdue par l’animal
devenu homme raisonnant et rebelle. Vercors
croyait en des structures sur terre
qui répondent à des structures déjà présentes
avant elle, qu’il nommait « Structures
Préexistantes ». Dès La
Sédition humaine (1949) il
entrevoyait une réintégration de l’homme
au sein de la Nature quand grâce à la science
il saura en « connaissance de cause »
( au sens propre du terme) « participer
utilement par ses actes à l’aventure mystérieuse
de l’univers » (Questions sur la
vie à messieurs les biologistes). Vercors
reconstitua cette unité parfaite à laquelle
il croyait.
Nous comprenons dès lors
que dans sa fable futuriste l'homme
augmenté au cerveau reprogrammé, uni
à la Nature, est un homme nouveau qui flotte
dans le grand Cosmos, sans corps. "L'Estière",
ce mot-valise que nous avons vu plus haut
dans cette page, est la fusion entre l'esprit
de l'homme (sans son corps) et le Cosmos
(= la matière). En 1983, il décréta encore
à Marc Beigbeder que « L’Être, c’est
la somme infinie de toutes les ondes de
l’Univers ». Au fond de ce scénario
gît la haine de l'homme tel qu'il est, imparfait.
Ce futur désincarné suggère une vision hygiéniste,
une haine du corps, en particulier une haine
du corps sexué. Par ailleurs, cet homme
nouveau du futur est dangereux, si l'on
se souvient de l'homme nouveau voulu dans
le passé.
La dystopie de Cloots
dans Colères
est pourtant intéressante si
on l'analyse autrement. Au-delà de l'irréalité
de la fable, le conditionnement de l'homme
est un concept-clé. Si l'on redescend sur
terre, cette dystopie permet de penser non
pas à l'homme tel qu'il est, mais à l'homme
tel qu'on le fait être lorsque tel
type de société le conditionne de telle
manière. L'absence d'interrogation et de
révolte est une conséquence du conditionnement
ayant permis la soumission volontaire
des hommes. Plutôt que de partir dans des
envolées transhumanistes, on pourrait réfléchir
à la manière d'humaniser la société ici
et maintenant. Le garde-fou de Vercors résidait
dans son concept moral pour juger si
nos actions nous rendent "plus ou
moins hommes". George Orwell disait:
"Quand on me présente quelque chose comme un progrès, je me demande avant tout s’il nous rend plus humains ou moins humains".
C'était
un critère évaluatif essentiel pour Vercors.
Le comportement des hommes vis-à-vis d'autrui
les hominise ou non (Voir ma page La
Sédition humaine).
Vercors s'est toujours
perçu comme double. Or, beaucoup de ses
réflexions partaient dans deux directions.
Sa pensée que nous avons déroulée sur cette
page n'échappe pas à cette spécificité.
D'un côté, dans une perspective transhumaniste,
Vercors sublima l'homme imparfait dans l'image
désincarnée de l'ange, avec tous les dangers
que comporte une telle pensée. De l'autre,
il savait se souvenir des idéaux des Lumières,
rester au sein de la Cité des hommes - ses
actes politiques le prouvent - et se battre
pour humaniser un peu plus chaque jour
la société.
Allez voir certaines vidéos
des assises
du corps transformé de 2015,
en particulier l'intervention de Nicolas
Le Dévédec: La
perfectibilité humaine, des Lumières au
transhumanisme. Ses excellents
écrits, souvent visibles sur Internet, m'ont
servi pour mettre en forme cette page sur
"Vercors et le transhumanisme".
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