Le journaliste Douglas
Templemore et une équipe de savants, partis en Nouvelle Guinée à la recherche
d’une mandibule préhistorique, rencontrent des créatures inconnues jusqu’à
lors, les tropis, qui pourraient être le fameux « chaînon manquant »
et qui soulèvent bientôt la question jamais résolue de la limite entre l’homme
et le singe.
Ce récit de 1952,
interrogation sur la nature humaine
alliée à une verve comique dans la lignée voltairienne, est d’une actualité
toujours aussi brûlante lorsque l’on sait qu’aujourd’hui la théorie « créationniste » est
enseignée, contre la logique la plus évidente,
dans certains Etats américains à égalité de vraisemblance avec la théorie
de l’évolution, et cela avec la
bénédiction de Georges W. Bush. En janvier 2007 est même dangereusement arrivé
aux portes des établissements scolaires français
L’Atlas de la Création, un ouvrage ouvertement créationniste. Le roman Les Animaux
dénaturés apparaît donc comme la réflexion nécessaire d’un homme à la
pensée libre, éloigné de tout obscurantisme.
Ecoutez
l'émission "La
fabrique de l'Histoire" sur
France culture consacrée aux Animaux
dénaturés de Vercors. Mes travaux sont
convoqués à la fin de l'émission, en particulier
ma page sur la Préhistoire
et son imaginaire. Allez lire également la page sur l'intrusion
du capitalisme dans ce conte philosophique.
LES ANIMAUX DENATURES,
UN RECIT DANS LA LONGUE LIGNEE DE LA TRADITION LITTERAIRE
La figure de l’altérité
Des Essais à Cannibale
Le cas des tropis
Un récit à la croisée des genres
Un récit policier
Un roman d’aventures
Un roman d’anticipation
L’évolution humaine
Une bataille d’experts
L’éthique de l’homme rebelle à la Nature
Une verve voltairienne
La technique romanesque
Les références
culturelles
I LES ANIMAUX DENATURES,
UN RECIT DANS LA LONGUE LIGNEE DE LA TRADITION LITTERAIRE
1) La
figure de l’altérité
Des Essais
à Cannibale
Les tropis, certes inventés par
Vercors, trouvent leur place dans une réflexion amorcée depuis le XVIème siècle
au moment de la découverte de nouveaux mondes. Les voyages dans ces contrées
lointaines, racontés dans des récits célèbres comme Histoire d’un voyage en
terre de Brésil de Jean de Léry, sont l’occasion de la rencontre entre le
monde occidental et des peuplades qui sont appelées « primitives »,
« sauvages » ou encore « barbares » par les colonisateurs.
Ainsi Montaigne y consacre deux célèbres chapitres de ses Essais, « Des Coches » et « Des Cannibales ».
Sa discussion avec trois cannibales à Rouen l’amène à s’interroger :
sont-ils plus barbares que nous ? Nos coutumes sont-elles civilisées comme
nous le prétendons ? Et quelle conduite tenir à leur égard ?
Montaigne donne une vision positive de ceux que nous nommons trop rapidement
« sauvages » grâce à un portrait moral et intellectuel élogieux, qui
forme une parfaite antithèse avec celui des colonisateurs vils, violents et
cruels. Ces peuples purs et innocents vivent en harmonie entre eux, avec
simplicité, franchise et sagesse. Ce « monde enfant » préfigure
un mythe idyllique du XVIIIème siècle : celui du « bon sauvage »
dont parlent notamment Diderot dans son Supplément
au voyage de Bougainville, Voltaire avec ses personnages faussement
naïfs- tel le Huron - qui jugent la société occidentale pervertie ou Rousseau
et son Discours sur l’origine des inégalités entre les hommes, lieu
d’une réflexion sur l’homme originellement bon dans la Nature et perverti par
la Civilisation .
Ce mythe idéalisé présente hommes et Nature en osmose.
Aucune contrainte, tant sociale que politique, ne dirige leur vie et leur
morale naturelle n’est pas subordonnée à l’idée de religion. Leur liberté, leur
ignorance de la corruption et leur respect pour autrui font l’admiration des
philosophes des Lumières.
Ce débat offre une belle leçon de
relativisme et appelle à la tolérance. « Nous appelons [en effet]
barbares ce qui n’est pas de notre usage ». Ces peuplades, aux mœurs
différentes des nôtres, ne doivent pas être jugées inférieures pour autant. La
valeur que l’on donne à leur mode d’existence est purement subjective et donc
dangereuse. Elle pousse à la volonté farouche de domination (par les armes et
par la conversion forcée) et au colonialisme européen dont Montaigne dénonçait
déjà les premiers effets en son temps. Le XXème siècle n’est pas exempt de ce
débat. En 1931 l’Exposition coloniale attire par sa présentation des indigènes,
notamment les Kanaks. Didier Daeninckx, en 1998, relate cet épisode honteux
dans Cannibale. Mais ce n’est pas seulement de nos jours que cette
atteinte à la dignité humaine avait été dénoncée. En effet, en mai 1931, les
Surréalistes distribuaient un tract en ce sens.
Si vous
souhaitez lire ce tract
(PDF), cliquez sur ce lien.
Le cas des tropis
L’expédition de savants, qui
souhaitent ardemment étudier ces fossiles vivants, tisse les premiers
véritables liens avec les tropis les moins farouches :
« Capturer n’est pas le
mot propre. Nous les avons attirés et séduits. Attirés avec du jambon, séduits
avec la radio ».
Cette trentaine d’individus
abdiquent volontiers leur liberté pour vivre heureux dans la « réserve »
que les scientifiques leur ont construite afin de pouvoir les observer et leur
apprendre quelques techniques qu’ils réussissent plus ou moins à imiter,
comme allumer du feu avec des
allumettes. Leur rapport se situe sur le plan de maître à animal domestiqué.
Ces tropis ressemblent donc davantage à de grands singes évolués qu’à des
hommes. La société marchande, en la personne de Vandruysen, décèle son intérêt
économique dans la découverte de ces « animaux » si dociles. Même
s’il ne s’agit plus du sucre comme dans Candide mais de la laine, on
pourrait donc asservir une communauté à la vie exemplaire et la dominer. Cette
confrontation permet à Vercors d’épingler ironiquement la société capitaliste
pervertie et dévoyée.
Pourtant, à côté de ces premiers
tropis apparaît rapidement une deuxième catégorie : un « vieux tropi, tout seul »
vient visiter le camp, d’une démarche paisible, lente et altière. Sa venue est
on ne peut plus pacifique :
« Simplement il vit le
tropi prendre de la main gauche le coup-de-poing qu’il avait dû, tout ce
temps-là, tenir dissimulé dans la main droite, et lentement se passer celle-ci
sur sa poitrine velue, dans un geste de douceur pacifique ».
Ce tropi, d’une sagesse
exemplaire et d’une « noblesse tranquille », est décrit avec « l’allure
flâneuse, un peu distante, d’un visiteur à l’Exposition ».
Vercors s’amuse ainsi à renverser
ironiquement les valeurs : les bêtes que l’on vient voir, ce sont les
scientifiques ! Cette deuxième catégorie de tropis semble donc accréditer
la thèse de leur humanité. Comme il le dira dans la préface du roman de Roy
Lewis, Pourquoi j’ai mangé mon père, Vercors oppose ainsi progressistes
et réactionnaires.
Si vous
voulez lire la préface
(PDF), cliquez sur ce lien.
La vie d’un tropi ressemble à
celle d’un bon sauvage. A la manière d’une utopie régressive et , ici dans une
vision rousseauiste, Vercors peint une existence simple et loyale :
« la vie dans les
falaises était celle d’une communauté paisible, d’une démocratie plus que
parfaite : point de chef, ni même rien qui rappelât un « conseil des
anciens ». Simplement on imitait ou suivait les plus vieux dans leur
science à la chasse, leur prudence ou leur témérité devant une menace
collective (on se rappelle l’attaque du camp à coups de pierres, lors de son
apparition près des falaises : elle ne fut jamais suivie que d’une
pacifique vigilance) ».
Suivant leurs instincts naturels,
ils vivent sans tabous et sans contraintes religieuses. Et l’auteur d’informer
malicieusement son lecteur que la belle Sybil doit se tenir à l’écart : « certains
signes trop manifestes montrèrent qu’il était sage qu ’elle ne fréquentât
point les tropis mâles sans nécessité absolue ».
C’est pourquoi le père Dillighan
se morfond que ces tropis ne soient pas immédiatement baptisés afin de sauver
leurs âmes. Pourtant l’absence de certitude quant à leur nature le plonge dans
les affres de la souffrance :
« Faut-il les abandonner
dans l’innocence ? Mais s’y trouvent-ils seulement ? S’ils sont
hommes, ils sont pêcheurs : et ils n’ont point reçu de sacrement !
Doit-on les laisser vivre et mourir sans baptême, avec tout ce qui les attend
au-delà, ou bien… ».
Le rappel de cette pratique –
fantôme des conversions forcées dans le Nouveau Monde - glisse incidemment vers
les Papous « convertis à la foi chrétienne » et hostiles aux
tropis. Or, une bagarre éclate entre les deux communautés et les Papous se
livrent alors au cannibalisme à la plus grande consternation de Dillighan. Ces « Papous
tropophages » relancent la question cruciale de la nature des tropis
et, dans un deuxième temps, celle de la nature des peuplades dites primitives-
les Papous justement ! mais également le « Pygmée d’Afrique, le
Veddah de Ceylan ou le Tasmanien »-, lorsque cette découverte profite
aux théories racistes.
Drexler établit, sous des allures
scientifiques, une hiérarchie qui place
le Blanc en haut de l’échelle et qui insinue que l’unicité de l’espèce humaine
est une notion simpliste, qu’il faut donc « abandonner nos vieilles
notions sentimentales, et scientifiquement établir enfin la hiérarchie des
groupes intermédiaires « abusivement dits humains » ». Les
journaux de l’Afrique du Sud, où règne l’apartheid, s ’emparent de cette
théorie raciste pour poser la question : « Les nègres sont-ils des
hommes ? ». Six ans après la fin de la guerre, cela renvoie à
l’expérience du nazisme et à ses présupposés pseudo-scientifiques. Quelques
indices nous mènent sur cette piste :
le professeur Kreps mêle des expressions germaniques à son anglais
pourtant correct, « bien qu’il vécût à Londres depuis l’époque
lointaine où le nazisme l’avait chassé d’Allemagne ». et le père
Dillighan, tiraillé dans sa foi lorsqu’il se demande si l’on doit baptiser les
tropis se ferait « l’idée d’un nazi qui fête Noël en famille et se
réjouit des camps de concentration ».
L’ombre de ce passé rend la
définition de l’Homme encore plus pressante si le monde ne veut pas que de
telles exactions se reproduisent dans l’avenir.
2) Un
récit à la croisée des genres
Un récit
policier
Le roman s’ouvre d’emblée comme
un récit policier dès le titre du chapitre premier:
« Qui s’ouvre selon les
règles par la découverte d’un cadavre, d’ailleurs très petit, mais
déconcertant ».
Et le lecteur pénètre dans la
chambre d’un nouveau né, mort depuis peu selon les constatations légistes du
médecin Figgins. Qui est l’assassin ? Le médecin et le lecteur, médusés,
l’apprennent de la bouche même de Douglas Templemore, journaliste de
profession, père du bébé et accessoirement meurtrier qui passe aux aveux avec
un flegme typiquement britannique sans que le policier ait besoin de procéder à
un interrogatoire poussé ! Vercors use ainsi habilement des ficelles de ce
genre en le parodiant pour notre plus grand plaisir : il livre la clé de
l’énigme dans les premières pages, et non dans l’ultime page comme le ferait un
polar traditionnel. Le suspense retombe aussi vite qu’il avait débuté !
Quoique…quel est le mobile du crime ? crime sordide parce que l’épouse de
Douglas n’est pas la mère de l’enfant ou supercherie éhontée lorsque le médecin
découvre avec stupéfaction que le petit ressemble plus à un singe qu’à un petit
d’homme ? Aucune des deux solutions. Douglas, très sérieux, insiste sur le
caractère mi-homme mi-singe du bébé juste avant que le narrateur, par une
pirouette humoristique, ne referme le chapitre et ne retourne dans le passé au
chapitre suivant en enterrant ce début policier.
Ce registre revient au chapitre XI, au moment du procès
intenté à Douglas, motif propre à ce type de récit. Le jugement se révèle
cependant étonnant et n’obéit que partiellement au cliché du genre. Il ne porte
pas sur l’assassin, puisque cette question est déjà réglée : Templemore
est bien le meurtrier, aucun doute n’est permis. Il porte essentiellement sur
la nature de la victime, tous les témoins sont invités à s’exprimer à ce sujet
et le coupable n’attendait que cela : son geste a été effectivement motivé
pour que la société se pose enfin la question de la définition de l’Homme. Si
le réquisitoire correspond à ce qu’on attend habituellement de lui, en revanche
la défense ne prononce aucune plaidoirie comme le lui a demandé son client,
n’essaie pas de prouver que les tropis sont des singes – ce qui permettrait
d’innocenter Douglas- et alerte les jurés sur l’importance de délibérer en
toute conscience afin de poser vraiment une définition de la nature
humaine :
« Notre attitude est claire. La vôtre doit l’être
autant. Nous ne demandons ni grâce, ni pardon, nous refusons votre indulgence.
Oui, qu’on nous entende bien : nous la refusons. Mais nous exigeons
de vous le minimum auquel nous avons droit de prétendre : le sérieux de la
réflexion ».
Tous les topoï (stéréotypes)
traditionnels
d’un procès sont donc convoqués avec une originalité et un art humoristique
consommés. Vercors s’amuse à lancer son lecteur sur la piste erronée d’un récit
policier pour le faire bifurquer aussi brusquement dans un roman d’aventures
des chapitres II à X, mais tout cela dans un même but : l’embarquer en
réalité dans une réflexion sérieuse et primordiale sur l’essence humaine.
Un
roman d’aventures
Après un quiproquo amoureux avec
sa future femme Frances, Douglas accepte de s’engager dans une expédition avec
une équipe de scientifiques dans une contrée lointaine et peu connue : la
jungle de la Nouvelle-Guinée. Dans cet ailleurs exotique, le lecteur se
retrouve, dans la peau de Douglas, un anthropologue et un paléontologue en
herbe. Il est lancé dans une quête, motif traditionnel du récit
d’aventures : celle d’« une mandibule…mi-homme, mi-singe (…) avec
trois molaires ». Cette quête ne se fait pas sans quelques petites
embûches : après « six cent milles à travers la forêt vierge », la marche des explorateurs
scientifiques est déviée et cette « dérive de quatre-vingts
milles » les amène par hasard à une découverte qu’ils n’étaient pas
venus chercher initialement : une « calotte crânienne »
« plus hominidienne que celle du Sinanthrope » qui s’avère récente
et qui appartient de fait à des « singes troglodytes » qui
sont des fossiles vivants !
Encore une fois, Vercors emprunte
à un genre précis tout en passant plutôt rapidement sur les topoï afin de
s’appesantir sur un problème ethnologique : celui du seuil indécis entre
l’homme et l’animal. Ainsi la couleur locale est présente sur deux à trois
pages avant de laisser la place à l’intrusion brusque de la race insolite des
tropis.
La rencontre avec les tropis est
l’occasion d’une présentation exotique de cet Autre problématique tant sur par
son aspect physique et moral que par ses mœurs :
« Ils ont des bras démesurés, et bien qu’ils se
tiennent généralement droits, il leur arrive, au plus fort d’une course, de
s’appuyer encore sur le dos des doigts, à la façon des chimpanzés. Leur corps
est couvert de poils, mais je dois dire que l’aspect en est troublant, surtout
celui des femelles. Elles sont plus fines que les mâles, ont les bras moins
longs, de vraies hanches et une poitrine très féminine. Le poil est court et
velouté, un peu comme celui des taupes. (…) mais le visage est terrible.
Car il est nu, comme celui des
humains. Mais presque aussi écrasé que les singes… ».
Cet aspect physique entre l’homme
et le singe est déjà un questionnement sur la nature de ces êtres qui va
s’intensifier lorsque Vancruysen décide de les exploiter économiquement,
pariant sur leur nature animale.
Ainsi à partir du chapitre II, l’analepse
- ou retour en arrière- offre aussi une remontée dans le temps de nos
ancêtres grâce à ce « chaînon manquant » vivant qui semble
nous plonger dans le fantastique.
Un roman d’anticipation
Le récit peut être pris comme Sylva
pour de la science-fiction. A cette question de Gilles Plazy dans A dire
vrai, Vercors répond par la négative :
« Absolument pas. Ils ne
sont que la mise en exemples imaginaires de mon essai La Sédition humaine.
Une sédition qui n’est pas au futur, mais qui depuis plus de cent mille ans a
spécifié l’humain. Déterminer, non dans
le futur mais dans le passé, la frontière qui sépare l’homme minimal de
l’animal supérieur n’est pas de la science-fiction ».
Vercors voit dans son roman de
1952 un apologue qui croise deux objectifs : plaire et instruire…ou
mieux : plaire pour instruire :
« Ce devrait donc prendre
la forme d’un conte philosophique, et même philosophico-humoristique, l’humour
faisant mieux passer des idées laborieuses ».
1) L’évolution
humaine
Bien loin de
tout créationnisme, Vercors se tourne résolument
vers la science pour pouvoir bâtir une éthique de l’homme :
« …si
vous voulez comprendre quelque chose aux origines de l’homme, il vous faut bien
d’abord remonter aux origines de tout ».
Suivent alors
deux théories expliquées par Sybil au journaliste Douglas, néophyte en la
matière : face à la conception
scientifique de l’évolution darwinienne expliquée par Sybil, le bénédictin
irlandais Pop, « orthogéniste enragé », persiste à
croire, lui, que l’évolution a un but dirigé par un « Grand
Horloger » :
« Il
pense que les mutations ne se font pas au hasard, par sélection naturelle, mais
qu’elles sont provoquées, dirigées, qu’elles obéissent à une volonté de
perfectionnement ».
Sybil, quant à elle, s’appuie sur les théories de Darwin entérinées par les découvertes de la communauté
scientifique. Au moment de la publication des Animaux dénaturés, comme à
l’heure actuelle, les concepts darwiniens fondamentaux sont toujours la
référence, avec bien sûr des compléments et des enrichissements. Sybil pense
ainsi que « l’évolution est le produit de facteurs complexes, internes
et externes – de toutes sortes d’interactions ». Les facteurs externes
étant « le climat, la nourriture, les autres animaux », les
facteurs internes sont « les forces de transformation issues d’une
sorte de volonté de l’espèce, une volonté diffuse de se corriger peu à
peu ». Lorsqu’elle évoque le rôle du cerveau comme facteur interne de
l’évolution, Douglas – tout aussi incroyant et matérialiste que son
interlocutrice- cherche pourtant
quelque chose de « spécifique, de tout à fait unique, qu’on ne retrouve
dans aucune autre espèce » et que, faute de mieux, on nomme « l’âme ».
C’est l’une des questions qui de façon récurrente préoccupera de plus en
plus Vercors et qui l’engagera dans des discussions avec des scientifiques
comme Jacques Monod, ou encore Ernest Kahane dans Questions sur la vie à
messieurs les biologistes. Ces questionnements ne peuvent être pour
l’instant totalement résolus, car « c’est quand nous en serons au
dernier chapitre [de la recherche scientifique] que nous comprendrons toutes
les causes ».
Cette
rencontre avec les tropis relance la question du fameux « chaînon
manquant ». Néanmoins, malgré cette expression, aucun des scientifiques de
notre conte philosophique n’entérine la théorie linéaire qui a existé pendant
très longtemps : celle d’une évolution directe du singe à l’homme comme
le montre cette image:
préhistoire
Au
contraire, Douglas explique à Frances la conception qui commence à prévaloir
d’un buissonnement des espèces de préhominiens :
« c’est-à-dire
qu’elle [une souche unique] a subi, selon les contraintes diverses des
conditions environnantes, des formes variées d’évolution, qui ont donné
naissance à des rameaux divergents. Ainsi l’homme ne descend pas du singe, mais
le singe et l’homme descendent, chacun de son côté, de la même souche
originelle.
Toutefois,
dans ce buissonnement, nombreuses furent les formes qui ont prospéré quelque
temps et puis ont disparu ».
Si vous souhaitez lire un article sur le chaînon manquant,
cliquez sur ce lien.
Depuis
les années cinquante, de nombreuses découvertes ont beaucoup modifié l’arbre
généalogique de l’homme actuel, faisant remonter plus dans le passé les
premiers préhominiens et enrichissant en complexifiant considérablement les
relations de cousinage des premiers homos : Homo
habilis a été découvert en 1961, soit 9 ans après la rédaction des Animaux
dénaturés ou plus récemment encore Homo
floresiensis (en 2003).
préhistoire
2) Une
bataille d’experts
En Nouvelle Guinée, les
scientifiques n’ont pas pu conclure sur la nature des tropis : leur aspect
physique est simiesque, avec cependant des particularités qui laissent à penser
à une évolution humaine ; ils ne s’adonnent pas à l’art, mais enterrent
leurs défunts, taillent la pierre et savent rire, activité considérée comme le
propre de l’homme… Si les scientifiques, contrairement à Douglas, ne voient pas
l’intérêt de critères à établir entre l’homme et le singe, ils déchantent
rapidement face aux projets de Vancruysen et savent désormais qu’une définition
est nécessaire. Après le meurtre du petit tropi par Douglas, le procès démarre,
seul moyen qui ait été trouvé pour forcer les hommes à se définir. Mais pourquoi donc les hommes ne se sont-ils
jamais posé cette question ontologique ?
« Il nous suffit
d’être : il y a dans le fait d’exister une sorte d’évidence qui se passe
de définitions… ».
Pour trouver la limite entre
le singe et l’homme, toutes sortes d’experts sont convoquées : des
zoologues, des anthropologues, des paléontologues, des psychologues etc…qui
posent des bases (plus contradictoires les unes que les autres) d’ordre
scientifique, métaphysique, morale, psychologique…sans parvenir pour autant à
emporter la conviction. Le tableau ci-dessous récapitule les interventions au
tribunal :
HOMMES
|
SINGES
|
Aspect zoologique
L’anthropologue Knaatsch
classe les tropis parmi l ’espèce humaine par leur astragale (os du
pied).
Ils taillent
la pierre, marchent debout.
Knaatsch
rétorque que « Même la raison logique est un stimulus (…) Chimie du
cerveau tout ça ».
Aspect psychologique
Le
Professeur Rambole avance l’idée que c’est non le langage seul, mais le
besoin de communiquer qui spécifie l’homme.
2e
argument : « Il convient d’appeler humain, à mon avis, tout être
dont le cerveau comporte la totalité des liaisons dénombrées, et animal celui
dont le cerveau ne le comporte pas », puis il classe arbitrairement
et donc dangereusement les Négrilles comme « type minimum
humain ».
3e
argument : les gris-gris prouvent que les hommes se posent des
questions : « L’esprit métaphysique est le propre de
l’homme. L’animal ne le connaît pas».
|
Aspect physique
Le Docteur
Figgins conclut que les tropis sont des singes : « La
disproportion des membres ; l’architecture du pied, de caractère
franchement simien, puisque le pouce peut s’opposer aux autres doigts ;
la forme de la colonne vertébrale, qui ne comporte pas ou peu de courbure
lombaire ; certains détails de la morphologie de la face et du
crâne ».
Aspect biologique
Le Docteur
Figgins, interrogé sur l’insémination artificielle réussie entre une femelle
tropi et Douglas, affirme que l’hybridation peut se produire « pourvu
que les races ou les espèces ou même- dans des cas très rares, il est vrai-
les genres, soient suffisamment voisins ».
Aspect zoologique
Le
Professeur Eatons réfute Knaatsch « qui a le grand Lamarck pour caution, qui supposait aux hommes des
ancêtres arboricoles et quadrumanes, devenus peu à peu bimanes en quittant la
forêt ». Or, les recherches récentes prouvent que « la
lignée qui aboutit à l’humanité ayant toujours connu des pieds comme les
nôtres, cette lignée n’est jamais passé par le stade du singe » et
que « les tropis, ayant un pied de singe, ne peuvent pas être placés
dans une lignée qui a toujours connu des pieds humains ».
De plus, le
chimpanzé fait du feu et taille la pierre. Donc l’argument de Knaatsch n’est
pas valable.
Les tropis
semblent obéir à « un stimulus [plus] qu’à un processus de la
raison logique ».
Eatons
conclut dangereusement : il faut 1065 caractères anatomiques et deux
tiers doivent être commun à l’homme et aux différents singes : « qu’il
manque un seul détail, et nous n’avons plus affaire à un homme proprement
dit ». Et Eatons d’être en accord avec l’article raciste de Drexler.
Aspect psychologique
Le
Professeur Thropp insiste sur la capacité d’abstraction des singes et sur
leur langage.
Les singes
n’ont pas de gris-gris : « Pourquoi voudriez-vous que mes braves
chimpanzés se posent des questions stupides ? Des gris-gris ? Merci
pour eux ! ».
|
A l’issue de
ces débats, le jupe Draper tire la conclusion qui s’impose :
« Devons-nous en conclure
que la psychologie, pas plus que la zoologie, n’est apte à définir à quelle
place précisément se trouve la frontière qui sépare la bête et l’homme ?
- Je le
crains ».
Les jurés ne
se prononcent donc pas et un Comité d’étude se constitue comme le désirait
Douglas pour donner une définition de la Personne humaine, « d’intérêt
national et universel » pour éviter ce dangereux biologisme qui
conduit certaines peuplades à l’esclavage ou à l’extermination.
Après d’âpres
discussions entre les membres de la Commission, on tombe sur un accord de
principe:
« L’homme
se distingue de l’animal par son esprit religieux », sachant que cela
est pris dans une acception large : « Esprit religieux égale
esprit métaphysique égale esprit de recherche, d’inquiétude etc…Tout y
rentre : non seulement la foi, mais la science, l’art, l’histoire et aussi
la sorcellerie, la magie, tout ce que vous voudrez ».
Cet accord ne
satisfait pas Douglas, parce qu’il ne va pas aussi loin qu’il l’aurait voulu.
Le juge Draper, optimiste, le rassure en affirmant que le temps permettra de
faire reconnaître leur définition…et celle de Vercors.
3) L’éthique
de l’homme rebelle à la Nature
Vercors a
développé sa théorie dans son essai de 1949 La Sédition humaine.
Pour en comprendre les principes, allez à la page consacrée à
Sylva.
Cette théorie
est perceptible également dans la bouche des personnages. Sir Peter, interrogé
sur les gris-gris, affirme à Draper que les singes ne se posent pas de
questions et que leur curiosité n’est que fontionnelle, car l’animal est « mêlé
à la nature, fibre par fibre (...) Il ne s’abstrait jamais des choses pour les
connaître ou les comprendre du dehors », contrairement à l’homme. Et
Thropp le confirme :
« Ils
vivent avec la nature, ils vivent en elle et n’ont pas peur d’elle ! C’est
bon pour les sauvages d’avoir peur ! Bon pour eux de se poser leurs
questions d’idiots ! A quoi cela avance-t-il ? S’ils ne savent pas
comme les singes se contenter d’exister tels qu’ils sont, tels que Dieu les a
faits, ils n’ont pas de quoi être fiers ! Ce sont des espèces
d’anarchistes, voilà tout. Des révoltés jamais contents ».
Vercors est
bien sûr ironique avec son personnage, puisqu’il lui met dans la bouche
l’éthique qu’il a élaborée dans Plus ou moins homme tout en le montrant
réactionnaire par rapport à ce comportement spécifiquement humain. Les hommes
sont bien des rebelles à la Nature, ils se sont détachés d’elle:
« L’animal
a continué de la subir. L’homme a brusquement commencé de l’interroger (…)
Or, pour interroger, il faut être deux : celui qui interroger, celui qu’on
interroge (…) L’animal fait un avec la nature. L’homme fait deux. Pour passer
de l’inconscience passive à la conscience interrogative, il a fallu ce schisme,
ce divorce, il a fallu cet arrachement ».
Ainsi l’animal
dénaturé est moins le tropi qui est moins avancé dans le stade de l’humanité
(même si le mot-valise formé sur les
termes aujourd’hui abandonnés « anthropopithèque »
et « pithécanthrope » met l’accent sur l’homme-singe et
non sur le singe-homme comme l’était le pithécanthrope) que l’homme lui-même,
animal qui s’est arraché à la mère nature…animal qui s’est dénaturé.
1) Une
verve voltairienne
Le récit Les
Animaux dénaturés appartient sans l’ombre d’un doute à la lignée des contes
philosophiques voltairiens. Plaire pour instruire les hommes débute aux titres
des chapitres : titres facétieusement à rallonge qui ne sont pas sans
rappeler ceux de Candide.
Si vous
souhaitez prendre connaissance des titres des XVII chapitres des Animaux
dénaturés (PDF), cliquez ici.
La verve, la
bonne humeur, l’humour et l’ironie pointent déjà à ces seuils et le contenu des
chapitres, du même acabit, ne déçoit pas. Prenons l’exemple de cet art
judiciaire qui occupe une large place à la fin du roman. Vercors maîtrise
parfaitement toutes les ficelles de l’art rhétorique : il use savamment du
caractère sérieux d’un procès afin de faire malicieusement ressortir les
incohérences des témoignages, à cause justement d’une absence de définition
claire de la limite entre l’humain et l’animal. Le Docteur Figgins pense que la
victime était un singe, mais a tout de même rédigé un constat de décès ;
il refuserait néanmoins de répéter son opinion personnelle sous serment, car « D’autres
peuvent avoir une opinion contraire et avoir raison ». Le sourire du
lecteur est déclenché par l’écart entre d’une part la rafale de questions du
procureur à laquelle Figgins répond par un « oui » ou un
« non » péremptoires lorsqu’il s’agit des circonstances du meurtre et
d’autre part ses hésitations légitimes lorsque les interrogations portent sur
la nature des tropis. Le lecteur est par là invité à considérer le nœud du
problème. Après toutes ces auditions
toutes plus contradictoires les unes aux autres, il en est au même point que
les jurés : tout simplement perdu et incapable de décider au moment où la
défense le rappelle à l’ordre pour qu’il n’enterre pas le vrai problème par un
jugement clément ou hâtif.
Ces périodes
de tension sont, toujours de manière appropriée, contrebalancées par des scènes
comiques avec une galerie de portraits pris sur le vif : le Professeur
Knaatsch, « anthropologue notoire » à moitié sourd qui hurle
ses conclusions expertes en avalant de nombreux mots et intervient quand
Eatons, son contraire en tous points, rend un avis antagoniste au sien ;
le Professeur Rampole, anthropologue « merveilleusement
chauve, comme s’il eût voulu offrir un crâne parfait aux recherches des
phrénologues » ; le père Dillighan qui « pousse nombre de
cris imitatifs » du langage des tropis…
La
désinvolture ambiante est possible grâce à cet humour anglais « qui
réduit par pudeur, l’important au frivole ». La légèreté apparente de
certains personnages - le juge Draper à certains moments et de sa « frivole
épouse » « délicieusement sotte et inculte, comme il convient dans un
ménage respectable » - et de certains actes présentés de manière
naturelle – le meurtre d’un tropi afin de forcer à réfléchir aux distinctions
entre l’homme et l’animal quitte à être exécuté - témoignent de l’affiliation
explicite à ce philosophe des Lumières, ne serait-ce que dans un détail :
l’industriel Vancruysen est un descendant du Vanderdendur qui exploite le « nègre de Surinam » dans Candide,
tout comme Vercors est celui de Voltaire. Au-delà même des sonorités similaires
entre leurs noms d’emprunt, nous pouvons remonter à leur identité véritable,
surtout à celle de Jean Bruller connu, en tant que dessinateur, comme le
directeur de sa propre revue de 1923-1924 intitulée…L’Ingénu !
Cet humour est
nouveau sous la plume de Vercors, mais il peut nous rappeler celui, léger, de
ses débuts avec les 21 recettes de mort violente
avant qu’il ne passe à un rire plus caustique culminant dans La Danse des vivants.
2) La
technique romanesque
Pourquoi
passer par le conte philosophique « philosophico-humoristique »
plutôt que d’écrire un essai dans le genre de sa Sédition humaine ?
Assurément pour mieux faire passer ses « idées laborieuses ».
Mais Vercors qui écrit pour dire a une autre préoccupation en tête.
Laissons-le répondre à Gilles Plazy :
« Pour
dire vrai, si je pensais m’exprimer dans un roman plutôt que dans un essai,
c’est que je n’étais pas moins préoccupé de technique romanesque, de style et
d’expression ».
Vercors
s’amuse en effet à pasticher les techniques littéraires afin de combler
l’horizon d’attente de son lecteur: pour susciter la curiosité de ce dernier,
le roman « s’ouvre selon les règles par la découverte d’un
cadavre ». L’auteur met donc en marche son histoire dans un genre
précis dont il connaît les ficelles en jouant sur la fonction de séduction. Et
il devance les désirs de son lecteur dans le chapitre II « qui vient
s’ajouter, comme il se doit, à un peu de crime, un peu d’amour ». Il complique l’aventure amoureuse entre
Douglas et Frances grâce à l’apparition de la
belle Sybil ; celle-ci restera un an dans la jungle avec celui-ci
et décidera de se refermer sur lui « avec un naturel de
coquillage » !
Les artifices
conventionnels sont exhibés en guise de clin d’œil complice avec le
lecteur : « Une dérive de quatre-vingts milles mène opportunément
l’expédition où l’auteur le désirait » ! De même, pendant le
temps de l’expédition, Douglas envoie de nombreuses lettres à Frances pour
l’informer des évolutions de cette aventure. Mais jamais Frances n’aura le
temps ou la présence d’esprit de lui demander comment l’acheminement de leur
courrier est possible. L’auteur le signale explicitement et s’en sort ainsi par
une pirouette concernant ce « petit fait [qui ne fait pas] vrai »
(pour parodier Maupassant !).
Cette
dimension réflexive sur son art est réelle. Vercors qui, bien que n’étant pas
du sérail, est écrivain depuis 10 ans et qui a assis sa notoriété
essentiellement sur une courte nouvelle Le Silence de la Mer,
s’interroge sur lui-même en mettant en scène deux héros écrivains :
Douglas est journaliste et surtout Frances, sorte de double de Vercors qui
écrit :
« …contes
et nouvelles que les revues publiaient sans empressement, et plus tard les
éditeurs, en recueil, avec plus de réticence encore ».
Avant
leur rencontre, Douglas pense ne rien avoir lu d’elle jusqu’à ce qu’elle évoque
le récit de « deux époux boudeurs, seuls dans leur chalet isolé dans la
neige, [qui] passent leurs longues soirées d’hiver aux deux bouts de la
maison ». N’est-ce pas un clin d’œil de Vercors à Jean Bruller,
puisqu’il décrit son dessin « Complications sentimentales ou les
querelleurs obstinés » de sa Danse des
Vivants ?
3) Les
références culturelles
Vercors,
admirateur de Victor Hugo et de Shakespeare, adresse un clin d’œil complice à
son lecteur avec certaines des expressions qui parodient des œuvres de ses
maîtres. La découverte du crâne, non
celui de Yorick mais celui d’un pithécanthrope, conduit les protagonistes à
s’interroger sur les créatures découvertes : « tropi or not
tropi » ? « That
is the question » ! Cette reprise d’ Hamlet, loin d’être
gratuite, est certes un hommage au dramaturge anglais , mais elle met
aussi en lumière le célèbre « to
be or not to be » et réactualise cette interrogation ontologique, parce que les personnages des Animaux
dénaturés se demandent quel est l’être véritable de ces fossiles
vivants : sont-ils hommes ? Ne le sont-ils pas? Telle
est la question justement…Comme il est impossible à des spécialistes d’y
répondre, comment les jurés pourraient-ils faire ? Et le journal Rude
Pravo d’’ironiser : « Tempête sous douze crânes » qui
évoque celle traversée par Jean Valjean dans Les Misérables au cours
d’une nuit agitée avant de se rendre au tribunal pour prendre la défense d’un
homme accusé d’un vol en se dénonçant lui-même. Le débat intérieur est
douloureux puisqu’aucune définition de l’Homme n’a encore été cherchée, mais il
est un mal nécessaire : seule une éthique universelle permettra d’éviter
la répétition des conflits antérieurs portant sur les races comme l’illustre la
Seconde Guerre mondiale encore récente au moment où Vercors écrit son conte
philosophique, pour exhiber la faille dans cette absence de définition. Et il
ne cesse dès lors d’approfondir et d’enrichir cette quête dans ses œuvres
ultérieures mais aussi dans l’une de ses traductions : Pourquoi j’ai
mangé mon père ( The Evolution Man) de Roy Lewis que Vercors et Rita
Barisse traduisent en 1991. Dans sa préface à ce roman humoristique publié en
1960, Vercors raconte que son ami Théodore Monod lui conseille vivement de le
lire : « il prolonge ton livre Les Animaux dénaturés,
commence où le tien s’achève, et presque sur les mêmes mots ».
Si vous souhaitez lire la préface complète
en version PDF, cliquez sur ce
lien.
Ce conte philosophique connaît un succès certain avec 641 000
exemplaires vendus (chiffre du Quid 2006). Et à sa sortie, il avait été
sélectionné comme livre du mois en Amérique. Vercors décide alors en 1963 d’en
faire une adaptation théâtrale qu’il intitule Zoo ou
l’assassin philanthrope.
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