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Les lieux de vie de Vercors

Jean Bruller-Vercors à Paris

Comme le rappelle Vercors en 1952 dans la préface de Quatre-vingt-treize de Victor Hugo, il naquit le 26 février 1902 « dans une petite chambre d'un petit appartement au coin de la rue Brown-Sequard, sur l'avenue de Vaugirard », derrière la gare Montparnasse.

Mais il passa rapidement du 15e au 14e arrondissement dans un des immeubles que son père Louis Bruller avait acheté deux ans auparavant. La famille Bruller occupait le premier étage tandis que les autres appartements étaient loués. Après vingt années de travail acharné comme éditeur, le père réussit à économiser assez pour devenir rentier grâce à l'investissement immobilier. Il eut ainsi en sa possession, et en moins de 10 ans, trois immeubles de rapport. Le troisième, il le fit construire dans une rue qui porte désormais le nom des Bruller. Pendant la guerre d'Algérie, Vercors proposa à Francis Jeanson de déposer les exemplaires clandestin du bulletin de soutien au FLN, Vérités pour, dans un des appartements de l'immeuble de la rue Bruller.

C'est donc dans ce 14e arrondissement de la capitale que Jean Bruller rassembla de nombreux souvenirs de son enfance heureuse. Des lieux précis, des anecdotes autobiographiques parsèment son oeuvre, de certains dessins de La Danse des vivants aux récits réalistes ayant pour cadre le Paris qu'il connait bien.

Puis la famille s'installa 19 rue Servandoni, dans le 6e arrondissement. La mère de Jean Bruller, Ernestine, veuve à partir de septembre 1930, y habita jusqu'à son décès. Marié en janvier 1931 avec sa première épouse Jeanne (dite Jeannette), il loua avec celle-ci un appartement dans Paris pendant deux années, avant de le quitter pour s'installer en Seine et Marne. Jean Bruller fit alors de fréquents séjours chez sa mère, à partir de cette date puisqu'il se rendait régulièrement dans la capitale. A la mort d'Ernestine, Vercors garda cet appartement de la rue Servandoni. Très vite pourtant, il n'y habita plus, son ex-femme Jeanne ayant gardé, selon les modalités du divorce, le logement et les meubles des parents Bruller . Une lettre privée de 1974 signale que Jeannette vivait encore dans ce lieu.

Plus bas dans cette même page, vous lirez que Vercors acheta en Seine et Marne son Moulin des Iles en 1950 et s'y installait chaque année aux beaux jours avec sa femme Rita. Toutefois, en 1965, il acheta dans le 5e arrondissement, rue du Cardinal Lemoine un appartement qu'ils rénovèrent (Lettre de Rita datée du 9 janvier 1967 à leurs amis les Bieber).  En février 1979, le couple trouva un nouvel appartement Quai des Orfèvres dans le 1er arrondissement. En mars de cette même année, une lettre de Rita prouve qu'elle et Vercors étaient initialement décidés à garder l'appartement de la rue du Cardinal Lemoine, tout en achetant le nouveau. Cette hésitation fut de courte durée pour des raisons financières, à cause d'un problème de plus-value. Un mois plus tard, le couple signa devant notaire. Après la vente, les travaux débutèrent. Une lettre de Rita du 12 février 1980 prouve que l'appartement rénové est prêt à les accueillir. Vercors décéda dans ce logement en juin 1991, à l'âge de 89 ans.

Reste à lever une dernière zone d'ombre dans ce panorama des lieux d'habitation de Vercors. Dans une lettre de 1954 à Guido Seborga, Vercors écrit qu'il habite au 4 cité Vaneau dans le 7e arrondissement. Il acheta son Moulin des Iles en 1950 et laissa à Jeannette le logement de la rue Servandoni. Il n'avait donc plus de pied-à-terre parisien. Aussi loua-t-il vraisemblablement ce logement du 4 Cité Vaneau. Jusqu'en 1965, date de l'achat de l'appartement rue du Cardinal Lemoine?

Vercors ne fut pas seulement propriétaire à Paris et en Seine et Marne. Dans une lettre de 1966, Rita écrit à leurs amis américains, les Bieber, que Vercors a fait un double achat: l'appartement de la rue Lemoine et un pied-à-terre à Cannes.

Jean Bruller-Vercors en Seine et Marne

A partir de 1933, Jean Bruller habite à Villiers-sur-Morin dans un village agreste situé dans la pittoresque  vallée du Grand Morin. Dans Les Occasions perdues, 2e tome de la trilogie de Cent ans d'Histoire de France, voici comment il raconta sa volonté de s'éloigner de Paris:

Je ne quitte jamais Paris, ce n'est pas bon. Je devrais de temps en temps faire retraite, à la campagne. Pour un mois, pour un an. Je m'en ouvre à Pierre Falké, très excellent illustrateur que j'ai recruté pour Allô Paris, et qui habite du côté du Morin. Justement, me dit-il, une maison est à louer dans un village voisin qui lui semble une affaire à saisir. Peu après, un dimanche, il me conduit par des sentiers champêtres à Villiers-sur-Morin, que Dunoyer de Segonzac et ses amis ont illustré par leurs gravures. Las! je cherche une bicoque et la maison est bien trop vaste: elle est faite pour y vivre et non pour y camper. Mais d'un loyer si raisonnable! Pas même le quart de ce que je paye à Paris. Et l'idée s'insinue. Y vivre... Et pourquoi pas? Pourquoi ne pas quitter une bonne fois la ville? Falké m'y encourage: " Vous n'avez pas idée combien on travaille mieux ". De retour à Paris, c'est fait: j'ai décidé de sauter le pas.

Location, notaire (c'est le proprio), plomberie, électricité, peinture, menuiserie, remise en état de la terre attenante, il va falloir organiser tout cela; cependant qu'à Paris, je devrai m'occuper du magazine*, de mes Relevés trimestriels, de mon prochain album, d'illustrations diverses. Je vais en avoir jusqu'à l'année prochaine.

[*Allô Paris]

***

Cette rivière est traversée par un pont auquel le 8 mai 1998, pour le 53ème anniversaire de l’armistice de 1945, la municipalité a donné le nom du plus célèbre de ses concitoyens.

C’est d’ailleurs sur ce pont « Vercors » que se déroule une scène du film que Jean-Pierre Melville a consacré au Silence de la Mer.

Rive gauche, nous entrons dans le village de Villiers et, arrivés face à la mairie, empruntons la rue du Touarte qui escalade le coteau.

 

En haut de cette rue, au 31 bis, nous découvrons la maison que Jean Bruller loua avec sa première épouse, Jeanne Barrusseaud. Cette maison fut le lieu, le cadre et le décor de son œuvre la plus fameuse Le Silence de la Mer inaugurant la maison d’édition clandestine qu’il co-fonda avec Pierre de Lescure : Les Editions de Minuit. C’est également dans cette maison que celui qui a pour nom de plume Vercors écrivit La Marche à l’Etoile. Jean Bruller a laissé un dessin de sa propre maison comme vous pouvez le voir ci-dessous; et le 8 mai 1998 fut apposée une plaque sur le mur de clôture.

   

Villiers-sur-Morin était déjà un lieu de villégiature d'artistes. Ainsi la maison de Jean Bruller avait appartenu auparavant à Albert Grenier, artiste-peintre et à son épouse Lili Grenier. Ceux-ci avaient reçu, entre autres, Toulouse-Lautrec.

Mais Vercors quitte cette maison en 1948, au moment de sa séparation d'avec sa femme.

L’Aubetin, un petit affluent du Grand Morin, a tracé un peu plus en amont une bucolique vallée. C’est là, à Saint-Augustin près de Faremoutiers, que Vercors acheta en 1950 un ancien moulin à eau, le Moulin des Iles, au 27. Il s'y installa avec celle qui allait devenir sa seconde épouse, Rita Barisse.

Malheureusement, en 1953, l’incendie accidentel de son moulin détruisit une partie de ses archives et  de ses callichromies. Vercors y habita avec Rita Barisse jusqu'à la fin des années 80. Comme beaucoup d'artistes, il passait chaque année le printemps et l'été en Seine et Marne, et il prenait ses quartiers d’hiver dans son logement à Paris à partir d'octobre ou novembre selon le climat. Ainsi, dans une lettre à de proches amis, les Bieber, Rita précise le 11 avril 1967 que depuis le 1er du même mois, elle a emménagé avec son mari au Moulin des iles.  Le 28 mars 1971, par lettre, Rita apprend à Karvas qu'elle et Vercors s'apprêtent à séjourner au Mouln des Iles et, le 12 novembre 1971, dans une lettre aux Bieber, elle dit qu'ils resteront encore une semaine au Moulin des Iles avant de passer l'hiver à Paris. De même, Vercors écrit le 19 décembre 1982:

Nous revoici au quai* pour l’hiver, après avoir profité du beau temps, au Moulin, jusqu’à la dernière minute. Nous nous baignions encore, mi-novembre, dans la piscine.

[*Quai des Orfèvres à Paris]

En cette année d'ailleurs,  Vercors et Rita n'ont pas quitté leur villégiature (Lettre du 12 septembre 1982 à Leclère), alors que, bien souvent, les époux partent entre 15 jours et un mois, parfois davantage, souvent dans la période comprise entre juin et septembre.

Néanmoins, ces deux déménagements par an fatiguaient Vercors à la fin de son existence. Dans une lettre du 27 octobre 1985, Rita écrit à ces mêmes amis que Vercors songeait à s'installer définitivement à Paris. C'est ce qu'il fit en septembre 1988 quand il revendit son Moulin des Iles.

Article mis en ligne le 24 juillet 2006, puis enrichi le 1er avril 2018