A la
manière de Gulliver, le héros Fifi part
à chaque chapitre à la découverte de mondes
nouveaux, avec des modes d'existence et
des coutumes qui invitent à se délecter
de cet imaginaire ou à réfléchir sur le
monde de l'entre-deux-guerres.
Que
sait-on de Jean Montaigne? Il est très difficile
de trouver des informations sur cet écrivain.
La Bnf ne propose aucune notice biographique
et, malgré mes recherches dans diverses
directions, le portrait est bien lacunaire.
Quatre
ouvrages à destination du jeune public ont
été publiés chez Nathan au cours des années
20:
-
Contes de la Baie des Anges publié
en 1921, livre plusieurs fois réédité, et illustré
par Maitrejean.
- Contes
de la Sirène en 1923 et Contes hurluberlus
en 1924, de maquettes identiques et
illustrés encore une fois par Maitrejean.
Sur
ces trois ouvrages, on peut lire que Jean
Montaigne a été "lauréat de l'Académie
Française". Ces ouvrages furent publiés
dans la série des "Contes merveilleux"
par un éditeur qui fut un pionnier
dans la littérature éducative et pédagogique
pour la jeunesse. Ainsi nous rappelle ce
site, il
lança dès 1916 la collection "Contes
et Légendes".
-
Les Mirifiques pérégrinations de Fifi-Tutu-Panpan
à travers le ciel, publié en 1928, cette
fois-ci illustré par Jean Bruller.
Il fut édté dans la série "La
Magnifique" chez Nathan, comme
Loulou chez les nègres.
Dans
les années 30, on retrouve régulièrement
des articles de Jean Montaigne dans l'hebdomadaire
du reportage, Voilà, créé fin mars
1931. En 1934, il écrit des articles
titrés "Escales. Grand reportage du
monde"; en 1935, "Français dans
le monde", en 1936, il semble avoir
décrit des pays (par exemple les USA dans
le n°254 du 1er février 1936); en 1937,
il dresse les portraits de personnalités,
puis évoque "Les merveilles de la mer",
avant de revenir à des descriptions de pays
en 1938.
Sur
le Net, on peut parfois lire que les dessins
des Mirifiques pérégrinations de Fifi-Tutu-Panpan
à travers le ciel sont "attribués"
à Jean Bruller comme si un doute subsistait.
Il est vrai qu'aucun des dessins en ombre
chinoise n'est explicitement signé de son
nom, contrairement à ceux de Frisemouche
fait de l'auto
(1926) et de Loulou
chez les nègres
(1929). Mais ces dessins sont bel et bien
de Jean Bruller. Les catalogues Nathan de
ces années-là, que j'ai consultés,
firent la promotion de cet album pour la
jeunesse en complimentant le "maître
Jean Bruller". Et ceux qui connaissent l'univers
artistique de celui-ci, et qui ont pu
examiner ses dessins pour la littérature
de jeunesse, se sont aperçus que le même
héros revient de manière récurrente d'un
album l'autre.
La
présentation matérielle entre le texte et
l'image est novatrice dans Les Mirifiques pérégrinations de Fifi-Tutu-Panpan
à travers le ciel, là où elle reste
traditionnelle dans Contes de la baie
des anges, Contes de la Sirène et
Contes hurluberlus. Dans l'entre-deux-guerres,
"En raison de sa marginalité, l'album
pour enfants constitue un secteur ouvert
aux expériences", rappelle Michel
Dufourny dans le Catalogue de l'exposition
de la Bibliothèque de l'Heure Joyeuse, Charles
Vildrac, écrire pour l'enfant (2001).
La
mise en page des Contes de Jean Montaigne
obéit aux emplacements habituels: image
en frontispice, image en bandeau ou en cul-de-lampe
pour ouvrir et fermer un chapitre, image
en pleine page, image en vignette, de dimensions
variables, parfois avec légendes. Or, pour Les
Mirifiques pérégrinations de Fifi-Tutu-Panpan
à travers le ciel, tout comme pour Loulou
chez les nègres, Nathan suit les
traces d'autres éditeurs novateurs et propose
une série qui institue de nouveaux rapports
entre le texte et l'image. Les images se
déploient avec inventivité et originalité
dans l'espace de la page. Elles dialoguent
avec le récit, elles le coupent, le traversent,
rebondissent sur lui, et vont même jusqu'à
prendre la première place. La mise en page
est une véritable mise en scène. Elle sert
l'image qui ne copie pas servilement le
texte, mais y répond. Les illustrations
racontent la même histoire, mais sous un
autre angle, avec des détails que le récit
ne mentionne pas. C'est exactement le sens
que Jean Bruller donnait à son art. En 1930,
il exercera celui-ci avec un pareil
bonheur dans Patapoufs
et Filifers
d'André Maurois, édité par Paul Hartmann
qui choisit, dans une rupture avec le format
traditionnel, le rectangle comme format
(comme d'autres éditeurs opteront pour le
format carré, tel le livre L'Île
rose de Charles Vildrac publié en 1924
chez Alfred Tolmer, imprimeur et publiciste),
et dédie la surface de la page à un nouveau
rapport texte-images.
Deux
pages des Mirifiques pérégrinations de
Fifi-Tutu-Panpan à travers le ciel
Pour
approfondir le sujet, lisez par exemple
Ecrire pour la jeunesse en France et
en Allemagne dans l'entre-deux-guerres
de Mathilde Lévêque, Presses Universitaires
de Rennes, Collection "Interférences",
2011.
Après avoir attentivement
lu les quatre livres pour la jeunesse nommés
ci-dessus édités chez Nathan, je suis
en mesure d'affirmer que le style des Mirifiques
pérégrinations de Fifi-Tutu-Panpan à travers
le ciel est bien celui de Jean Montaigne.
Du point de vue stylistique,
l'écriture de Jean Montaigne est très reconnaissable.
En effet, cet auteur s'amuse avec la langue.
Le ryhtme est vif avec de nombreuses accumulations
de verbes (souvent sur un rythme ternaire),
en outre des verbes souvent synonymes. Les
exclamations prédominent, les répétitions
d'une même proposition phrastique se rencontrent
régulièrement ("Et mon pauvre Liloulouli!
mon pauvre Liloulouli! Il était pâle! Il
était pâle!" dans Contes de
la Sirène). Le ton se veut familier,
faussement badin; le vocabulaire relève
de l'oral avec une continuelle invention
langagière. Les onomatopées fourmillent:
"v'lan", "pan" ,
"Frrrriiiittt...", etc.
Jean Montaigne aime jouer
avec les mots et leurs sonorités: "Et
Fafanor de foncer sur..."; ses
héros sont "turlupinés"
et "tarabustés" par d'autres
personnages. Allitérations et assonances
se retrouvent aussi dans les noms des héros
dans un perpétuel tournoiement langagier
humoristique. Le mot est la chose, signifiant
et signifié riment en osmose parfaite: "Crokos
le caïman";"Madame Boulibaba";"Sur la planète Simiamani",
Fifi fait la connaissance des "Anthropes"
dominés par les "Simianos";
il parcourt la planète des "Rosenfants",
mot-valise qui mime bien le fait que ce
sont "des enfants de roses";
ou encore "Sur la planète des Placidiamini",
une planète bien rabelaisienne, les
capitaines se prénomment comiquement
"Kiabu-Boira" et "Baric
des Danaïdes". L'onomastique est
toujours signifiante, pour le plaisir des
petits et des grands.
Dans
son récit de 1928, Jean Montaigne se place
sous l'égide avouée de Jonathan Swift: "Fifi-Tutu-Panpan,
grand voyageur devant l'Eternel, bien plus
grand que l'Anglais Gulliver".
Les Mirifiques pérégrinations
de Fifi-Tutu-Panpan à travers le ciel
est un de ces livres pour enfants qui invite
au voyage littéraire et imaginaire. Il se
glisse à la jonction de la littérature
de voyage et du récit d'anticipation, à
la manière de l'Histoire comique des
Etats et Empires de la lune et de l'Histoire
comique des Etats et Empires du Soleil
de Cyrano de Bergerac, ce libertin érudit
du XVIIe siècle gravitant dans le cercle
de Gassendi. A la manière également de Voltaire,
notamment avec le conte philosophique Micromegas.
Ce type de voyage fantaisiste ne cache
pas la gravité du propos. Il est le prétexte
à une réflexion humaniste sur le regard
que l'on porte à l'autre: l'altérité à laquelle
nous ne sommes pas habitués est étrange
certes, mais elle interroge la relativité
des coutumes et appelle à la tolérance.
C'est dans cette veine qu'André Maurois
écrivit en cette même année 1928 Deux
Fragments d'une histoire universelle. 1992,
publié chez Hartmann un an plus tard et
illustré par Jean Bruller. Dans un renversement
comique du regard, ce sont les êtres humains
qui sont observés et jugés par l'Uranien
A.E 17 et ses confrères scientifiques. Comment
ces hommes, "grouillement confus"
aux mœurs stupides, ces "moisissures
terrestres" enfermés dans des "hommilières",
peuvent-ils être doués d'intelligence? Inconcevable!
Fifi, quant à lui, peut autant paraître
un Dieu aux yeux de certains peuples (les
Anthropes que le héros sauve des Simianis)
qu'une "espèce de Nigaudino"
sur une planète plus évoluée que ce
"petit tas de boue" qu'est
la Terre, comme dirait Voltaire dans Micromegas.
A chaque fois que Fifi arrive sur une planète
si différente de la sienne, les habitants
se demandent avec étonnement comment on
peut être non pas persans (Lettres persanes
de Montesquieu), mais terriens.
Le
jeune héros part à la découverte de mondes
que l'on peut classer en deux grandes catégories:
-
les mondes féériques invitant à l'imagination
pure, au bercement de la poésie de
ce monde mis en mots, comme "Sur
la planète des Rosenfants".
-
les mondes dont deux peuples se livrent
à une guerre, rappel évident du monde de
l'entre-deux-guerres espérant dans le pacifisme.
Cette œuvre de Jean Montaigne et les deux
livres d'André Maurois que Jean Bruller
illustra s'ancrent dans cette actualité
et dans cette idéologie. Jean Montaigne
s'appesantit sur le conflit absurde qui
oppose les "Hommes-poissons",
les "Hommes-oiseaux" et
les "Hommes-hommes" pour
gagner le trophée que représente Fifi. Mais
l'auteur s'adresse aux enfants, il ne l'oublie
pas: il est des guerres qui se règlent grâce
à la "Dive Bouteille"!
Jean Montaigne est un héritier de Rabelais.
Au début de l'histoire, il n'a pas hésité
à citer les "planètes Alcofribas,
Picrocole, Grandgousier, Panurge et Gargantua".
Sur la planète des "Placidiamini",
les belligérants, parce qu'ils se nomment
les "Zimboumboums" et les
"Boumzimzims", font référence
aux Abares et aux Bulgares du chapitre III
de Candide de Voltaire. Cette sonorité
similaire dans les noms signale qu'il s'agit
d'une guerre fratricide. Dans l'univers
de Jean Montaigne, et dans ce chapitre-là
seulement, les deux armées aux noms comiques
se battent à coups de brocs! C'est à qui
tiendra le mieux la boisson afin de remporter
la victoire sur l'ennemi.
"Délégué
de la Section Terrienne à l'Office Interplanétaire de
Coopération Intellectuelle". Cet envoi de Jean
Bruller figure sur l'un des exemplaires de Deux fragments
d'une histoire universelle. 1992 d'André Maurois,
publié chez Paul Hartmann fin 1929, après
une première édition aux Editions des Portiques un an
plus tôt. Jusqu'où alla cette coopération intellectuelle
pour certains ouvrages qu'il illustra dans l'entre-deux-guerres?
Ecrivit-il certains chapitres? Souffla-t-il quelques
phrases, du moins suggéra-t-il des idées en laissant
à l'auteur le soin de les écrire à sa façon? Emprunta-t-il
ultérieurement des éléments narratifs ou expressifs
aux ouvrages qu'il avait ornés de ses dessins?
Dans
son ensemble, tout le récit de 1928 a été
écrit par Jean Montaigne. On ne décèle aucune
rupture de style, dans un chapitre entier
comme dans quelques pages. En revanche,
les notes de bas de pages se multiplient
à partir du chapitre "A travers
le ciel" jusqu'à la fin de l'histoire.
Elles passeraient inaperçues si elles ne
rappelaient étrangement la bande dessinée
de Jean Bruller, Le
Mariage de Monsieur Lakonik (1931).
On
rencontre deux fois la pratique de
la note de bas de page chez Jean Montaigne.
C'est dans Contes hurluberlus, aux
pages 28 et 46. C'est néanmoins suffisant
pour laisser notre propos dans l'hypothèse,
en particulier en l'absence de preuve matérielle.
Seulement, ces deux notes concernent la
diégèse, elles n'ont rien d'un discours
réflexif sur la fabrique de la littérature
ou sur des orientations politiques.
-
Dans Les Mirifiques pérégrinations de
Fifi-Tutu-Panpan à travers le ciel,
deux notes insistent sur les figures de
style: "Naturellement, lorsque je
parle des boucles soyeuses de la comète,
je parle au figuré, par image, car cette
chevelure était faite, non de vrais cheveux,
mais de rayons lumineux, souples et chauds"
(page 70), ainsi que "Polichinelle d'ailleurs,
en disant "tu écriras" parlait
par synecdoque, ou catachrèse, c'est-à-dire
par figure de rhétorique, et non au sens
littéral de l'expression" (page
121).
Ce
détail de 1928 en rappelle deux autres
dans Le Mariage de Monsieur Lakonik: "(métaphore extraite du
récit que M. Lakonik fit par la suite de
ses aventures)" et "(l'auteur attire
l'attention du lecteur sur cette puissante
métaphore)".
- A la page 112, une
longue note se termine par une critique
de la Société des Nations: "Mais
ces Messieurs de la SDN ont d'autres chats
à fouetter! (Réflexion de Fifi)".
Or, quelques mois plus tôt, le pacifiste
Jean Bruller avait fustigé les réunions
stériles de la SDN dans un dessin publié
dans la revue Le Rire, n°457 du 5
novembre 1927. Il intitula ce dessin "Un
débat passionnant à la S.D.N" et
l'assortit de cette légende: "...Je
sais, messieurs, que vous comprenez toute
la gravité de la situation et que vous ne
la perdez pas de vue". L'ironie
tient dans l'écart entre le texte et le
dessin: gravité de l'enjeu d'un côté, dissipation des
participants absorbés par un sujet plus
léger de l'autre. Plus tard, en 1932, dans
La
Danse des vivants, il revint
sur le sujet, toujours de manière satirique,
dans la planche "Congrès des nations
ou le Destin des peuples". A partir
de la fin des années 20, je l'ai déjà dit,
le crayon de Jean Bruller se politise, jusque
dans les livres pour le jeune public. J'ai
retrouvé dans le fonds Hartmann une lettre
d'André Maurois à l'éditeur, datée du 27
novembre 1930, à propos de Patapoufs
et Filifers.
Après des compliments
sur "les dessins de Bruller absolument
amusants", il émet une critique
sur l'une des légendes inventées par le
dessinateur: " je n'aurais pas appelé
un chef d'orchestre Gros-René Bathouf; je
crois que toute satire gagne en durée à
s'éloigner de l'actualité". La
Muse de Jean Bruller fut pour l'essentiel
hissée dans l'intemporalité, mais l'artiste
ne pouvait s'empêcher de faire référence
au présent dans certains dessins et dans
certaines remarques.
Si on peut poser l'hypothèse
d'un Jean Bruller auteur de ces notes, c'est
parce qu'il aimait à recycler ses dessins
et ses textes d'une œuvre à l'autre. Les
exemples abondent. Outre ceux que j'ai énumérés
ci-dessus, pensons, entre bien d'autres
exemples, au dessin "L'Insatiable"
paru dans la revue légère Fantasio
reparaissant dans La Danse des vivants
sous le titre "Erotisme".
Et pour revenir à Fifi, comparons un de
ses dessins de 1928 ( à gauche) avec sa
variante de 1929 de Deux Fragments
d'une histoire universelle. 1992 (à
droite):
De même, et cette fois-ci
à l'intérieur du récit de 1928, on ne peut
qu'être surpris par la mise en exergue sur
la surface de la page de
" Et ce qui devait arriver...N'arriva
pas", repris
dans le titre du chapitre 37 du Mariage
de Monsieur Lakonik: "Où ce
qui devait fatalement survenir...ne survient
pas".
Les
coïncidences sont troublantes. Reste à connaître,
dans l'hypothèse que Jean Bruller participa
à l'écriture de certains ouvrages de
jeunesse qu'il illustrait, les modalités
de sa "Coopération Intellectuelle".
-
Souffla-t-il ses idées aux auteurs? Jamais
Vercors ne signala qu'il travailla directement
avec Jean Montaigne, ni même qu'il le rencontra.
Comme on sait qu'il fut peu prolixe sur
cette période, l'hypothèse reste toutefois
plausible.
-
S'il ne travailla pas directement avec les
auteurs, eut-il la possibilité d'intervenir
sur les manuscrits avant leur impression?
De plus, surveillait-il la fabrication des
ouvrages qu'il illustrait? Cela pourrait
être possible, et c'est ce qui est en cours
de recherche actuellement: quelle place
exacte Jean Bruller avait-il chez Nathan
entre 1924, date de la fin de ses études,
et 1929, date de son basculement chez l'éditeur
Hartmann? Dans ce cas, les clins d'oeil
dans Le Mariage de Monsieur Lakonik
fonctionneraient comme un aveu de sa participation
minime, mais réelle, à l'invention de certains
récits.
-
Dans le cas contraire, Jean Bruller fut
marqué par des éléments narratifs et expressifs
des ouvrages qu'il illustrait et il se servit
de leur inventio pour créer ses propres
ouvrages, précisément Le Mariage de Monsieur
Lakonik.
D'autres
éléments contenus dans l'ouvrage de Jean
Montaigne renvoient à Frisemouche
fait de l'auto
(1926) et Loulou
chez les nègres
(1929). Nous revenons donc au point de départ
de l'enquête: qui, de Jean Bruller ou d'Alphonse
Crozière, a écrit ces deux récits édités
également chez Nathan? Du moins, comment
Jean Bruller coopéra-t-il à l'écriture de
ces textes, même s'il s'avère que ce n'était
que dans les détails de la narration?
-
Ainsi, Frisemouche clame sa colère contre
ses parents dans son journal intime à la
date du 20 septembre: Cette petite formalité
accomplie - car il faut reconnaître que
notre héros était bien jeune pour rédiger
déjà ses mémoires [...]".
Cela
rappelle le récit de Jean Montaigne: Polichinelle déclare solennellement à Fifi:
"Oui, pour l'édification et l'enseignement
des siècles futurs, mon Fifi chéri, tu écriras
tes Mémoires (1)! [...]
Note
(1): "Fifi n'a pas écrit ses mémoires;
il me les a dictés, ce qui revient peut-être
au même, ce qui vaut mieux".
-
En 1928, Fifi, garçonnet blond de 10 ans destiné
à être cuisiné à la "sauce tomate"
par les "Hommes-poissons",
est sauvé par la fille de la Reine qui "le
veu[t] pour poupée". Et en 1929,
Loulou fait un cauchemar: celui d'être
mangé par les cannibales à la "sauce
béchamel". Il sera sauvé grâce à la
convoitise d'une fillette de la tribu des
cannibales, puisqu'elle rendra sa liberté
à Loulou contre la "poupée-fétiche".
- Pour revenir à l'Affaire
Citroën, Frisemouche circule
dans sa Citroënnette
"Tout-Acier" dont il est
si fier. Normal puisque ce récit de 1926
a été rédigé pour les Editions enfantines
Citroën. En 1928, dans une note de bas de
page (encore une fois), Fifi s'exclame: "
Et dire que les habitants de la Terre sont
si fiers de leurs odieuses voitures
à pétrole! Pouah! (Cette réflexion est de
Fifi.). Dans la chronique des liens
Citroën-Nathan que je suis en train de reconstituer,
à la date de 1927, l'éditeur demande à Citroën
l'autorisation de faire de la publicité
pour la vente de Frisemouche fait de
l'auto. Les relations, quoique courtoises,
se sont distendues entre Citroën et Nathan.
En janvier 1927, Citroën accepta l'escompte
accordé par Nathan sur la facture de cet
album, légitime, écrit-il, après les
"ennuis et frais qui nous ont été
occasionnés par la mise en vente du livre".
Jean Bruller s'occupa de la plaquette publicitaire
de 1927 pour accélérer la vente de l'album
- les archives le prouvent -. Sil est cette
année-là l'auteur de la note de bas de page
dans Les Mirifiques pérégrinations de
Fifi-Tutu-Panpan à travers le ciel,
qu'il l'ait écrite ou qu'il l'ait suggérée
à Jean Montaigne, il se rangea du côté des
intérêts de Nathan (et des siens). En 1929,
Loulou, le double de Frisemouche, part en
Afrique à bord d'une mystériseuse "D.S.M.E".
Une deux ou trois chevaux? Non, "un
demi-bourrique vapeur"! Et la critique
éclate dans les chapitres consacrées à la
"mission John Citron" dans
Le
Mariage de Monsieur Lakonik.
Pourquoi donc Jean Bruller
n'aurait-il jamais parlé de ses éventuelles
"Coopérations intellectuelles"
pour les ouvrages qu'il illustra? Aucune
idée, mais notre questionnement est légitime
à cause de toutes ces coïncidences entre
les récits. On peut aisément montrer que
Jean Bruller ne se contenta pas d'illustrer
l'oeuvre de son ami Paul Silva-Coronel.
Il écrivit une partie de Couleurs
d'Egypte
(1935) en recyclant des textes de son journal
gai L'Ingénu (1923-1924). Allez lire
cette page pour vous en convaincre.
Article
mis en ligne le 19 janvier 2012
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