Jean
Bruller signataire du manifeste "Réponse
au 64" en 1935
Préambule
Le
"Manifeste d'intellectuels pour
la défense de l'Occident" et la réponse
au "64"
1935
annus horribilis:
retour sur le postulat de la dissociation
entre art intemporel et art militant
Préambule
On ne compte plus les
pétitions, tracts, manifestes que Vercors
signa après la Seconde Guerre mondiale.
En revanche, jamais Vercors n'évoqua une
quelconque signature de sa part dans l'entre-deux-guerres.
Même, l'autobiographe qu'il fut dans La
Bataille du silence et Cent
ans d'Histoire de France minimisa
grandement son rôle dans les années 30 aux
côtés des intellectuels engagés de gauche.
Dans mon article désormais
en ligne Jean
Bruller face au bouillonnement intellectuel
et politique des années 30,
je remets le dessinateur à sa juste place.
Quoiqu'il n'ait pas été aux premières places
médiatiques, Jean Bruller fut moins passif
que ce qu'il ne le laissa entendre. A partir
du 6 février 1934, date des émeutes anti-parlementaires,
il se rapprocha doucement mais sûrement
des cercles engagés. Il y prit part pleinement.
Et il signa un manifeste, probablement le
premier de son existence.
Le
"Manifeste d'intellectuels pour
la défense de l'Occident" et la réponse
au "64"
Dans
Le Journal des débats et Le Temps
des 4 et 5 octobre 1935 parut le "Manifeste
d'intellectuels pour la défense de l'Occident"
signé de 64 personnalités de droite justifiant
la conquête italienne de l'Ethiopie.
Entre
autres signataires: Henri Massis, Gabriel
Marcel, Charles Maurras, Léon Daudet, Pierre
Drieu La Rochelle, Robert Brasillach, etc.
De nombreux intellectuels
de gauche répliquèrent immédiatement par
une "Réponse au 64". Nous
pouvons lire les noms des signataires à
la page 2 de L'oeuvre
du 8 octobre
et à la page 4 du journal Le
Populaire
du 9 octobre 1935. Le nom de
Jean Bruller apparaît (aux lignes 19-20):
Un mois plus tard, en
novembre, eurent lieu les premières assises
de l'Association des écrivains pour
la défense de la culture dont je parle dans
mon article Jean
Bruller face au bouillonnement intellectuel
et politique des années 30. Cette
manifestation d'envergure fut mise en place
pour protester contre la guerre d'Ethiopie.
Allez voir le site
sur André Malraux.
Jean Bruller participa
à ces assises début novembre et donna le
15 du même mois son premier dessin militant
à Vendredi, journal de soutien au
Front populaire. Et ce n'est pas un hasard
non plus que pour sa 5e participation à
ce journal de l'union des gauches il évoqua
la guerre d'Ethiopie avec son dessin "Etrennes
utiles, ou la culture des bons sentiments" (n°9
du 3 janvier 1936). Vous pouvez revoir ce
dessin à la fin
de mon article sur Jean Bruller et le colonialisme.
A la même période, en décembre 1935, parut
le tome 16 consacré aux « Arts et
littératures dans la société contemporaine » de l’Encyclopédie française.
Jean Bruller intervint certes comme
spécialiste du dessin, mais dans ce tome 16 dont la « problématique […] était
toute matérielle, si ce n’était matérialiste, et sociale, si ce n’était
socialiste » l'artiste est considéré comme un homme social et les besoins des usagers sont « collectifs et sociaux
» (Pascal Ory, La Belle illusion. Culture et politique sous le signe du Front Populaire, 1935-1938).
Le geste militant de Jean Bruller était
entamé.
Il ne fit pas qu'assister
passivement à la soirée en l'honneur de
Romain Rolland que j'évoque au paragraphe
23 de mon article Jean
Bruller face au bouillonnement intellectuel
et politique des années 30. J'irai
plus loin que ce que j'avais écrit grâce
à la découverte de son nom dans la
revue Commune (issue de l'A.E.A.R)
de janvier 1936: Jean Bruller fut activement
adhérent au Comité de patronage pour la
célébration du 70e anniversaire de Romain
Rolland. Allez voir
cette archive. Et le jour J,
Jean Bruller ne resta pas anonyme dans
le public, il était sur l'estrade à la vue
de tous comme
le révèle le journal Le
Populaire.
1935
annus horribilis:
retour sur le postulat de la dissociation
entre art intemporel et art militant
Le
6 février 1934 fut un marqueur décisif dans
l'esprit, donc dans l'art de Jean Bruller.
Lui qui avait commencé son grand œuvre graphique
La
Danse des vivants
deux ans plus tôt dans une perspective intemporelle
et anthropocène eut désormais bien du mal
à laisser le réel historique à la porte
de son art. Il lui fallut quelques mois
de l'année 1934 pour imprégner son œuvre
de ce renversement. Je rappelle que Jean
Bruller publia cinq dessins à la teneur
nouvelle sous son trait de crayon dans le Relevé
Trimestriel n°12 de l'hiver 1934: "Rien
n'est perdu" conduisit Jean Bruller
dans une voie bien plus optimiste d'un
point de vue anthropologique. Il fournit dans
sa Danse
des vivants
une vision
plus complète, donc plus réaliste de l'humanité.
Puis il arrêta l'édition trimestrielle de
cet album. Comment mettre en effet dans une même œuvre les intentions
de la première heure et celles que lui dicta le
réel?
Annus
horribilis: 1935 fut donc une année
de flottement. En privé, il dessina, écrivit
(pour l'Encyclopédie française comme
on l'a vu ci-dessus et un récit policier
jamais publié), mais il les publia
tardivement. Le n°13 et le n°14 de la première
suite aux Relevés trimestriels, avec
20 dessins, s'orientent en priorité vers
une anthropologie intemporelle, à part 5
estampes plus politisés: la guerre ("Naissance d'un homme
libre",
"Massacres, pestes et famines"),
le colonialisme ("Documentaire,
ou les blasés", "Retour
du colonial, ou le prestige des latitudes"),
la guerre sociale ("Le salaud").
Puis il interrompit La
Danse des vivants
pendant
3 ans.
En
cette année 1935, il trouva surtout la solution
de scinder art anthropocène et art capitalocène
sur des supports autonomes. Ainsi, dans
le même temps, il fit paraître son album
L'Enfer
le 20 octobre 1935 et son premier dessin
engagé dans Vendredi le 15 novembre.
Le titre de son album
L'Enfer
- je vous invite à aller lire mon article
- est symbolique de cette délicate année 1935
pour Jean Bruller.
Article mis en ligne le 1er janvier 2021
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