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Pour prolonger la réflexion autour de cette oeuvre emblématique, allez lire le bref essai "La bibliothèque dans Le Silence de la mer, un espace symbolique" aux pages 166-173 de la revue électronique Conserveries mémorielles: http://cm.revues.org/102La dernière partie de cet article évoque Le Silence de la mer: http://aad.revues.org/index667.htm Quelques informations sommaires…Après le succès fulgurant que
connut la nouvelle Le Silence de la Mer,
écrite en 1941 et publiée en 1942 par la maison d’édition clandestine Les Editions de Minuit, Vercors reçut dès la Libération de multiples propositions
pour prolonger ce récit dans d’autres arts : « le Comité de Libération avait reçu des
offres pour en faire une pièce, un film – et même un ballet… » ( La
Bataille du Silence). Le 22 février 1949 il accepte l’adaptation
théâtrale de son récit, dans une mise en scène de Jean Mercure au Théâtre
Edouard VII à Paris. Cette adaptation sera notamment reprise au Coupe Chou à
Beaubourg en 1979-1980. Dans l’ensemble, l’adaptation théâtrale reste fidèle au récit et à ses enjeux. Les 9 tableaux se concentrent sur les scènes essentielles, les sommaires de la nouvelle ayant été supprimés pour un resserrement dramaturgique efficace. Les changements de costumes des personnages miment alors les saisons qui passent. Quant à l’unité de lieu, elle a été resserrée puisque l’oncle ne rencontre pas à la Kommandantur l’officier allemand Werner von Ebrennac revenu de Paris et revenu aussi de ses belles illusions au sujet d’une union entre la France et l’Allemagne. A la fin du tableau 7, le spectateur sait que Werner se rend à Paris rejoindre des amis. Les chants nazis qui ferment la scène annoncent la rupture imminente qui se produira dans le rituel immuable que Werner avait instauré chaque soir avec ses hôtes. Au tableau 8, le jeu de scène de l’oncle et de Werner, qui se jaugent et qui se jugent du regard avant que Werner ne se détourne et ne monte dans sa chambre, marque la métamorphose ; il est de mauvais augure et l’ultime monologue de Werner l’entérine et précipite le dénouement. Un autre changement tient dans les quelques
paroles que la nièce échangent avec son oncle dans le premier tableau. Dans
cette scène d’exposition, les spectateurs comprennent sans hésitation les
raisons de leur silence face à l’ennemi. Néanmoins, dans cette adaptation
théâtrale, la jeune femme semble s’en remettre à son oncle puisqu’elle lui
demande comment se comporter. C’est donc lui qui lui dicte la conduite à tenir.
Selon nous, ce choix diminue l’intensité du récit de 1941 lorsqu’ils prenaient
de concert la même décision sans avoir besoin de le mettre en mots. Leur
complicité tacite mettait en exergue la profondeur de la nouvelle. Dans
l’adaptation de 1979, le metteur en scène décidera de supprimer cette
communication initiale entre les deux personnages. Parallèlement à cet engouement pour la nouvelle Le Silence de la Mer,
s’élèvent des voix, surtout à l’étranger,
pour critiquer ce récit. Une
controverse s’installe. Vercors est ainsi obligé de s’expliquer sur ses choix à
diverses reprises. Cette incompréhension provient essentiellement d’un décalage
entre la date de création du Silence
de la Mer- octobre 1941- et son
impression effective en février 1942. En quelques mois, l’attitude des
Allemands évolue. Les lecteurs de la nouvelle, surtout à l’étranger, sont donc
surpris par ce Werner qu’ils suspectent d’être la création d’un collaborateur.
Sartre explique dans Qu’est-ce que
la littérature ? que « son
public, c’était l’homme de 1941, humilié par la défaite, mais surpris par la
courtoisie apprise de l’occupant (…) égaré par les discours de Pétain ».
Il convenait alors de montrer à ces lecteurs de 1941 que « il faut
lutter contre un régime et une idéologie néfastes même si les hommes qui nous
les apportent ne nous paraissent pas mauvais ». Mais « dès la
fin de 1942, Le Silence de
la Mer avait perdu son
efficace : c’est que la guerre recommençait sur notre territoire ». Vercors a pris en compte ces remarques
négatives à l’encontre de son récit. Il prend conscience que ce personnage a
été mal compris. C’est pourquoi, à la réédition de son œuvre en 1951, il ajoute
une réflexion de l’oncle au moment où Werner décide de rejoindre le front de
l’Est par un geste totalement suicidaire : « Ainsi, il se soumet. Voilà tout ce
qu’ils savent faire. Ils se soumettent tous. Même cet homme-là ». Dans son Discours aux Allemands, il insiste sur
le sens de l’épilogue : « On n’a pas su reconnaître qu’il se
termine sur la mise au tombeau d’un ultime espoir, d’un espoir désespéré qui
vient d’être assassiné de la main même du meilleur des Allemands possibles,
puisque ce meilleur des Allemands possibles, loin de céder à la révolte, trouve
le chemin de son devoir dans la soumission à ses maîtres, dans la mort pour ses
maîtres, dont il a pourtant mesuré la forfaiture ». Il condamne donc
sans appel cet officier qui se soumet. L’adaptation théâtrale de 1949 est aussi
explicite. Avant de partir, Werner aperçoit sur une table un livre d’Anatole
France ouvert à la page suivante : « Il est beau pour un soldat de désobéir
à des ordres criminels ». L’oncle incite donc Werner à résister à son pays nazi, mais le refus
catégorique de l’officier répond en écho au « Ainsi, il se
soumet » de la nouvelle.
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