Les Éditions de luxe dans La Quinzaine critique: regards de Jean Bruller sur ses contemporains
Préambule
Jean Bruller se fit critique d'art, notamment entre 1929 et 1932 dans les 46 numéros de la revue La Quinzaine critique que vous pouvez intégralement lire en ligne sur Gallica. J'avais fait la recension complète des pages de Jean Bruller: la rubrique « Les Éditions de luxe » présente jusqu'à la fin de la parution de cette revue et la rubrique « Expositions » à partir du n° 32 du 25 avril 1931.
C'est à partir du dépouillement de la rubrique « Les Éditions de luxe » que je vous propose le regard de Jean Bruller sur les artistes de l'entre-deux-guerres qui illustrèrent de la Belle Ouvrage d'auteurs passés et contemporains. A chaque critique d'ouvrages, Jean Bruller passait en revue la typographie et les illustrations. Ce sont ces dernières qui fournissent le cœur de cet article: Jean Bruller jeta un œil d'expert sur ce qu'il jugeait être des réussites ou des échecs des illustrations de ces beaux livres. Selon notre chroniqueur en effet, les dessins ne doivent pas calquer le texte de façon redondante et stérile, mais le prolonger, faire sens. Aussi Jean Bruller put-il avoir une critique négative des illustrations d'un grand dessinateur pour un ouvrage précis, tout en reconnaissant par ailleurs le talent de celui-ci. D'un numéro à l'autre, le propos varia donc pour un même illustrateur selon le contexte de création.
Ma recension, exhaustive dans son dépouillement, ne l'est pas dans la synthèse qui suit. De nombreuses fois, Jean Bruller tint une étude minimaliste sur tel ou tel ouvrage, ce qui ne permet pas de donner une vision développée de tous les artistes dont il analysa les illustrations accompagnant les textes d'auteurs. Je vous livre plutôt un éclairage soit des paragraphes les plus signifiants sur des illustrateurs, soit d'une critique d'un artiste précis dans plusieurs numéros entre 1929 et 1932. Je vous proposerai ultérieurement la recension complète de chaque illustrateur que Jean Bruller évoque, ainsi que de chaque écrivain de ces belles éditions.
Les éloges de Jean Bruller sur les artistes contemporains
Alexandre Alexeïeff
https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Alexeïeff
Dans le n°1, Jean Bruller ne tarit pas d'éloges sur Alexeïeff, « le seul qui sache tirer son inspiration du procédé, au lieu de l'y soumettre ». Le procédé « est sa raison d'être ». Dans le n°10, il poursuit en cette voie: « tout en restant fidèle à sa technique et à son habituelle inspiration, [Alexeïeff] ne cesse de se renouveler ». Et dans le n°13: « On ne pouvait guère aborder un domaine plus dangereux que celui où s'est aventuré, dès le début, Alexeïeff. Tirant d'une part son inspiration du seul procédé, la limitant d'autre part dans un royaume purement imaginatif, dans un monde où les personnages semblent constamment se mouvoir en rêve, on ne cesse de craindre, d'une planche à l'autre, ou du moins d'un ouvrage à l'autre, de retrouver les mêmes effets. Il n'en est rien, et Alexeïeff, tout en demeurant Alexeïeff, parvient à être toujours différent ».
Gus Bofa
Jean Bruller fut un grand admirateur de ce dessinateur de ses débuts de carrière jusqu'à sa mort. Bofa lui reprocha rapidement de s'inspirer trop visiblement de son art. Et les deux hommes rompirent tout commerce dans les années 30. Vingt ans plus tard, Jean Bruller tenta de revenir vers celui qu'il considérait comme son maître, mais la rencontre n'eut pas lieu. Si l'on se tourne vers la correspondance restée privée, on se rend compte que Vercors montra une admiration sans faille pour Gus Bofa.
Dans le n°7 de La Quinzaine critique, Jean Bruller juge que « par une progression ininterrompue, extraordinairement étrangère à toute influence - indice de tempéraments forts - [Gus Bofa] se dirige vers une facture toujours plus dépouillée, chaque trait prenant une valeur intellectuelle plus grande, se bourrant davantage d'idées à mesure qu'il est plus isolé; aussi sont-elles remarquables par leur puissance d'évocation sans cesse croissante, que par une intelligence qui ne se dément pas. Le tout étant exprimé par surcroît avec une adresse dans la technique presque excessive ». Dans le n°12, il place ses illustrations parmi « les plus belles »; « il ne s'agit point réellement d'une illustration, mais bien plutôt d'un commentaire ». « Dans les planches de Bofa, tout se passe avant, ou après ». « Tout cela composé avec l'habituelle puissance d'évocation de Bofa ». « Une merveille, vraiment ». Il renchérit dans le n°34: « Toutes ces planches sont dessinées avec une intelligence et une puissance d'expression dont seul Gus Bofa semble capable ».
Lucien Boucher
Dans le n°10, Jean Bruller loue ses « intelligentes illustrations », puis poursuit: « S'il est un artiste qui ne craint point la nouveauté, c'est lui. Ses compositions apparaissent d'abord comme essentiellement comiques. Cette idée sitôt formulée semble fausse pourtant, et il devient soudain évident que leur but exclusif est d'être décoratives. Mais la première opinion reprend aussitôt de la force, et elles échappent ainsi à tout classement ».
Antoine Bourdelle
http://www.bourdelle.paris.fr/fr/biographie
Dans le n°1 de La Quinzaine critique, Jean Bruller note que les illustrations de Bourdelle sont, selon la « manière habituelle du Maître », « admirablement adaptées au texte » de Clémenceau.
Hermine David
Dans le n°2, Jean Bruller s'extasie sur « les illustrations d'Hermine David [qui] sont, comme toujours, délicieuses. L'artiste a trouvé, dans la pointe sèche, un procédé dont elle tire des effets savoureux, délicats et suaves ». Et dans le n°16, les illustrations sont « assez belles par elles-mêmes », mais « elles sont surtout remarquables par une rare compréhension du texte, ou mieux de l'atmosphère de ce texte ».
André Dignimont
Dans le n°8, Jean Bruller reconnaît les « fortes qualités d'acuité et d'observation » de Dignimont, qualités auxquelles on est « habitué ». Et dans le n°14, Jean Bruller trouve le choix de cet illustrateur judicieux car c'est celui qui est le plus apparenté à Carco (Les Innocents). Une réserve cependant: « le cuivre, trop sec pour lui, semble moins fait que la pierre ».
Pierre Falké
Dans le n°1, Jean Bruller déplore le fait que Falké soit un « excellent dessinateur, qu'on ne paraît d'ailleurs pas apprécier à sa vraie valeur », lui qui est « capable de belles et grandes choses ». Dans le n°3, il voit les « précieux dons d'imagination » de cet illustrateur, mais constate encore qu'il a été mal édité alors qu' « il a composé pour ce livre une série de bois gravés de tout premier ordre. En dehors des qualités que nous lui connaissions déjà, il s'est révélé un animalier qu'il faut compter, si l'on réfléchit qu'il reste dans le même temps très exactement illustrateur, parmi les plus grands. La vie, la grâce, la sensibilité exquises qui se dégagent de ses animaux et la simplicité apparente de leur conception font songer , dans un autre domaine, à l'art de Pompon: grandeur sans grandiloquence ».
Jean Bruller se fait cependant critique quand il l'estime nécessaire: ses « dessins [sont] faits trop vite » pour Rien que la terre de Paul Morand. « Quant à la planche représentant un jeu de cartes, nous l'avions déjà vue dans Le Pot au noir. Un artiste ne devrait-il pas éviter cela? ».
Nonobstant cette nuance, l'impression générale est positive. Dans l'ultime numéro de La Quinzaine critique, le n°46, il reste ainsi toujours aussi élogieux: « Nul ne l'égale pour mettre en page un décor naturel et le douer de coloris aussi riches et aussi sensibles. Il est un peu moins à l'aise quand il lui en faut isoler les personnages et leur donner la vedette. Mais dès qu'il y replonge, ils perdent leur raideur et recommencent à vivre ».
Jean Hugo
http://www.henrigourdin.com/project/jean-hugo/
Dans le n°4, Jean Bruller qualifie Jean Hugo de « maître » dans l'utilisation de la gouache. C'est d'elle « qu'il en tire le meilleur de ses effets », « extraordinaire intelligence des rapports de tons ». Et « il brode une féérie de teintes d'une subtilité prodigieuse ». Néanmoins, il n'hésite pas dans le n°2 à critiquer les illustrations « d'un charme certain bien qu'uniforme. Elles valent surtout par leur curieux alliage de naïveté voulue, de raffinement et de mignardise, et par de catégoriques rapports de couleurs souvent heureux ».
Paulette Humbert
http://www.lesatamanes.com/artistes/humbert-paulette
Dans le n°22, Jean Bruller déplore que ses « remarquables illustrations » aient été mal mises en valeur par la typographie choisie par les éditeurs. « D'une puissance singulière, tragique et tourmentée, elles dégagent une atmosphère lourde, sombre, marécageuse, et malgré tout empreinte d'un généreux romantisme. Pleines de ces qualités qui font qu'on s'étonne qu'elles soient l'oeuvre d'une femme, elles témoignent en outre d'une conscience rarement rencontrée de nos jours ».
Louis Jou
http://www.fondationlouisjou.org
Dans le n°8: « On ne sait si les illustrations sont accompagnées par le texte ou si ce sont elles qui l'accompagnent. Ce n'est pas le moindre mérite de Louis Jou d'obtenir une unité telle que cette question puisse se poser. Peu de livres peuvent donner une semblable harmonie... ».
Dans le n°17, Jean Bruller admire l'« illustration magistrale. Ce que le bourru graveur sur bois a su tirer de finesses, de délicatesses, de velouté de la pointe sèche est inouï »; « on est étonné d'y retrouver intégralement sa forte personnalité, adoucie par une sensibilité ... ».
Une critique négative néanmoins dans le n°33: « métier sûr, mais [ses dessins sont] assez peu émouvants ».
Paul Jouve
http://www.pauljouve.com/index.php
Dans le n°18, les illustrations de Jouve sont jugées « grandioses et émouvantes », et dans le n°29 « remarquables ». « Trop d'or aussi[...] Mais quelle puissance, et quelle élégance! ».
Chas Laborde
Dans le n°22, Jean Bruller déplore les choix de l'éditeur, car « les délicates illustrations de Chas Laborde en souffrent au point que sans leur finesse, leur nervosité et leur intelligence, elles passeraient inaperçues ». Et dans le n°35, il rend hommage à l'illustrateur: « rarement Laborde a fait preuve de plus d'entrain et de fantaisie. Fantaisie à froid comme toujours, qui réside dans un détail, un coup de plume qu'on ne pourrait identifier, mais qui démolirait tout s'il manquait. C'est de l'Art ».
Jean Emile Laboureur
Dans le n°1, Jean Bruller remarque les « qualités de grâce et de finesse de ce graveur », mais il est « un peu trop grâcieux et fin pour ce roman » (Voyage au Congo de Gide). Il est moins à l'aise dans l'emploi des gris.
Et dans le n°13, il constate que « les illustrations de Laboureur [...] sont de la production constante de l'artiste ». Toutefois, pour l'illustration de La Paix d'Aristophane, il dit dans le n°11 que « Le choix de Laboureur pour les illustrations ne s'imposait pas. C'est un artiste trop fin, trop subtil pour aller de pair avec un texte aussi truculent ».
Edy Legrand
Dans le n°2, c'est un « dessinateur extrêmement doué » ; « Ses paysages, ses architectures, ses mouvements de foule sont remarquables ». Et dans le n°14, il est « un des seuls descendants de Gustave Doré. Non dans la facture qui en est aussi éloigné que possible, mais dans l'imagination, ce qui n'est pas un mince mérite ». Jean Bruller peut se montrer nuancé dans son jugement: « Ses compositions purement comiques, bien que pleines de vie, le sont moins. La truculence chez Edy Legrand semble arbitraire, due plutôt à une habileté de plume qu'à une conception réfléchie ». Le jugement général reste positif toutefois, puisqu'il signale les « fortes qualités d'imagination et d'agilité de cet excellent artiste » dans le n°6.
Berthold Mahn
http://homere.iliadeodyssee.free.fr/traducteur/bertholdman/bertholdman01.htm
Dans le n°16, Jean Bruller émet une critique pour le premier ouvrage que Mahn illustra. Il considère en effet que ces illustrations sont celles « d'un peintre. C'est dire qu'elles sont le plus souvent un commentaire extérieur du texte ». A part cette nuance, il se montre enthousiaste pour son travail: pour le second ouvrage commenté à la page suivante du n°16, il affirme que les illustrations sont « traitées un peu comme des eaux-fortes, elles prouvent que l'artiste y serait rapidement maître: subtilité et sensibilité du trait, puissance et intelligence de la composition ». Puis il se fait de plus en plus élogieux: dans le n°24, ses illustrations se révèlent « de premier ordre », par la « puissance de sa seule imagination ». Dans le n°42: « Dire leur charme, leur finesse, leur intelligence, leurs extraordinaire sensibilité est chose impossible. Berthold Mahn se montre définitivement, dans ce livre, un maître authentique ».
Stefan Mrozewski
Dans le n°5, Jean Bruller complimente ses « hors textes gravés sur bois et tirés au noir grandioses et monumentales » , « souvent puissantes et quelquefois une truculence parfois outrée, presque toujours artificielle, mais que fait pardonner un remarquable talent de graveur ».
Dunoyer de Ségonzac
http://www.galerie-de-crecy.com/index.php?main_page=index&cPath=1_204_63
Dans le n°34, Jean Bruller trouve que ses illustrations ont été « gravées avec une spontanéité extrêmement sensible. Quel instinct! Il suffit à Ségonzac de couvrir une planche de petits zig-zags tremblotants pour qu'aussitôt elle vibre, chante, éclate d'une vie bouillonnante ».
Fernand Siméon
Dans le n°9, Jean Bruller note la « délicieuse sensibilité de l'artiste, son goût sobre, sa distinction et sa parfait maîtrise dans le choix des coloris ». Et dans le n°13: « Les illustrations sont formées de très vivants croquis de Siméon ».
Louis Suire
https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Suire
Dans le n°4, les aquarelles de Suire sont décrites comme celles d'un « tempérament sensible et [d'un] goût délicat ». L'édition ne les a, hélas, pas mises en valeur: « Mais que la reproduction les a rendues plates! Il est bien regrettable qu'il faille rechercher ailleurs les qualités de l'artiste à travers ces tons mornes et inertes ».
Jacques Touchet
Dans le n°22, Jean Bruller constate que Touchet a « abandonné [...] ses déformations caricaturales, au profit d'une finesse, et, dirai-je, d'une tendresse dont il se soucie peu d'ordinaire. Il y perd en personnalité [...] mais y gagne en délicatesse ».
Dans le n°2 en effet, Jean Bruller n'était pas si positif: « Les illustrations de Touchet, pour la plupart " habillées ” sont d'un comique tout extérieur. Le dessin est largement sacrifié à la couleur, pas toujours discrète. L'invention est opulente, mais dénuée de toute préoccupation intellectuelle. Aussi l'intérêt fatigue-t-il vite. C'est la difficulté de l'illustration dite humoristique, de se renouveler assez d'une planche à l'autre ».
Marcel Vertès
Dans le n°1, Jean Bruller évoque les « dons » d'un Vertès au « tempérament spontané », à la « sensibilité intelligente » « un peu morbide ». Ce qui ne l'empêche pas de repérer « quelques planches médiocres » parmi les illustrations de l'ouvrage.
Dans le n°27, il déplore que les illustrations de Vertès forment une « espèce de tableau de la noce crapuleuse. Le bon roi Pausole est devenu un de ces viveurs imbéciles...Son harem est devenu une maison publique... ».
... et ses réserves
Jacques Boullaire
Dans le n°2: « Les illustrations de Jacques Boullaire, reproduites en héliogravure, et dont on ne peut guère dire de mal, mais non plus de bien, ne sont remarquables ni par l'inspiration ni par la facture ».
Carlègle (Charles-Emile Egli)
http://le-bibliomane.blogspot.fr/2010/10/carlegle-illustrateur-je-ne-veux-faire.html
Dans le n°4, Jean Bruller écrit que cet artiste est « extrêmement adroit et souple, mais dont l'habileté semble avoir définitivement remplacé la sensibilité dont témoignaient ses premières oeuvres. Elle paraît suppléer à toute invention: on a, en regardant ses planches, la fâcheuse impression de les avoir déjà souvent rencontrées et qu'elles pourraient en tout cas servir à l'illustration de nombreux autres textes confiés à Carlègle ». Même reproche dans le n°5: ses illustrations sont « pleines de qualités, d'adresse et de pureté, mais qui participent de cette seconde personnalité de Carlègle, à la fois paisible et froide, qui n'apparaît que dans ses bois, et sont très éloignées du Carlègle léger et allègre qu'il eût fallu pour ce livre » (Maxime de Duvernois)
Edgar Chahine
http://www.lesatamanes.com/artistes/chahine-edgar
Dans le n°12, Jean Bruller voit dans ses illustrations les « mêmes qualités et mêmes défauts que dans toutes celles qui les ont précédées. Elles sont, avant tout, d'une autre époque, et il en émane un parfum d'Helleu. Aussi Mitsou [personnage de Colette] cesse-t-elle d'y être Mitsou, et devient-elle une femme du monde élégante et froide. Pour le reste, elles sont gravées avec habileté ».
André Collot
Dans le n°23, Jean Bruller note l'« illustration très honorable, sans plus. L'artiste, desservi par une trop grande facilité, pèche par un demi-lyrisme plus intentionnel que spontané, qui exprime moins de choses qu'il voudrait faire croire ». Le principal défaut de cet artiste, c'est que ses illustrations sont « un peu faciles » (n°29).
Albert Decaris
http://www.lesatamanes.com/artistes/decaris-albert
Dans le n°9, Jean Bruller parle d' illustrations « d'une adresse exceptionnelle, qui forme le plus clair de leur défaut: trop confiant dans sa virtuosité, il semble que l'artiste lui ait sacrifié tout souci de composition et d'atmosphère, sans compter d'assez nombreuses fautes de dessin ». Malgré tout, « compréhension » fine du texte, « noblesse décorative de ses gravures » et « qualité de sa technique ».
Il poursuit dans le n°30 en reconnaissant « un tempérament » « comme il y en a peu à notre époque mais Decaris le sait et s'y fie trop ». « Le résultat est une suite d'admirables planches, pleines de défauts » « Tout cela disparaîtrait si Decaris, se fiant moins à son adresse, sacrifiait les effets évidemment très vivants du premier jet, et ne craignait point de les alourdir d'un peu de réflexion et d'esprit critique. Mais je ne crains rien: il y viendra ».
Joanny Drevet
Dans le n°6, Jean Bruller critique les illustrations de Drevet dont « on ne peut louer que la parfaite probité, dénuées qu'elles sont de toute tentative personnelle », ce qui "n'ajoute pas grand chose au texte ».
Dans le n°23, Jean Bruller redit presque mot pour mot les reproches précédents: « bon commentaire du texte comme elles le seraient de n'importe quelle revue de tourisme helvétique. Dénuées de toute tentative personnelle, on n'en peut louer que la parfaite conscience ».
Alexandra Grinevsky
http://50watts.com/Alexandra-s-Aquatints
Dans le n°3, Jean Bruller est interloqué: c'est une artiste qui s'est appropriée les méthodes d'Alexeïeff « avec une maîtrise qui n'a d'égal que son manque de scrupules ». Il continue en stipulant que le choix du style de cet artiste n'est pas judicieux pour cet ouvrage, « l'art brumeux d'Alexeïeff est aussi étranger que possible à la légèreté toute latine de Valéry Larbaud ». Il éclaircit le mystère dans le n°14. Il a en effet appris entre-temps que Grinevsky est l'épouse d'Alexeïeff. Il commente ainsi: « les présentes illustrations se sont bien éloignées d'Alexeïeff, du moins en ce qui concerne les procédés [...] mais l'inspiration n'a guère changé. Le résultat n'en est pas très heureux; chez Alexeïeff, l'inspiration est soumise au procédé; de même chez Mme Grinevsky; mais le procédé initial étant alors abandonné et remplacé par un autre, il n'en reste pas grand'chose ». Dans le n°26, (comme plus tard dans le n°42), il reste dubitatif: elle « cherche, avec des procédés et une inspiration directement empruntés à Alexeïeff, à obtenir des effets différents des siens. Elle y réussit des fois bien, des fois mal ».
Constant Le Breton
https://fr.wikipedia.org/wiki/Constant_Le_Breton
Dans le n°23: « Les hors-textes sont anecdotiques et Le Breton n'y est pas à l'aise ». Mais Jean Bruller reconnaît le talent de l'artiste: « Le Breton est un paysagiste qui s'ignore ».
Mariette Lydis
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mariette_Lydis
Jean Bruller, quoique reconnaissant cette artiste comme « excellente », n'aime pas son style. Ainsi dans le n°36, il évoque une « série de portraits de fillettes sportives, yeux naïfs, une bouche vicieuse et un petit nez camard [...] au demeurant plaisantes si l'on aime ça ». Il nuance cet avis général dans le n°9 : ses illustrations « fort belles, et [elles] échappent cette fois (au moins dans la mesure exactement nécessaire) à cet aspect malsain que revêtent généralement les compositions de cette excellente artiste ».
Jean Oberlé
Dans le n°6, on ne peut comprendre cette critique plutôt acerbe de Jean Bruller qu'en replaçant dans le contexte. Gus Bofa et les artistes qui gravitaient autour de lui reprochèrent à Jean Bruller de trop copier le maître. Aussi doit-on probablement voir dans la critique qui suit les conséquences de cette querelle. Jean Bruller reprend les mêmes critiques qu'on lui assène le concernant: « Je voudrais dire du bien des illustrations dues à un dessinateur qui promit beaucoup, mais n'a pas encore tenu ses promesses, et dont les qualités certaines de finesse, d'imagination et d'intelligence semblent bridées par une main inhabile; ce qui serait une qualité aussi (trop d'adresse est un malheur...) si elle était rétablie par une technique solide. Oberlé l'eut jadis. Mais on lui reprocha qu'elle fût due à Chas Laborde. Je conçois qu'il soit pénible d'entendre toujours les mêmes reproches, et qu'on cherche à s'évader. Pourtant n'y a-t-il pas plus de courage à persévérer qu'à tenter de changer sa formule de parti-pris? Ce qui revient à se donner une personnalité artificielle. Difficile problème, sans doute, qu'Oberlé saura résoudre, j'en suis persuadé ».
Hélène Perdriat
Dans le n°13, Jean Bruller critique l'« imagination sentimentale d'une petite-fille chlorotique. [[Les illustrations] ne manquent pas d'une certaine grâce enfantine en dépit de leur mièvrerie ».
Jeanne Rosoy
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeanne_Rosoy
Dans le n°4, Jean Bruller complimente certaines illustrations « charmantes ». Mais « Il faut seulement espérer que l'insuffisance de technique qu'elles révèlent [...] n'est pas définitive ».
Sylvain Sauvage
http://eve-adam.over-blog.com/2017/05/sylvain-sauvage-illustrateur-litteraire.html
Dans le n°1, Jean Bruller reconnaît l'« élégance et [la] truculence » de l'artiste, ses « amusantes finesses », son « trait serré », son « ton distingué ». Mais il tranche ainsi: « dessinateur au talent aimable, gracieux, mais souvent un peu facile » même s'il a dessiné quelques planches avec un caractère d'une grande noblesse.
Article mis en ligne le 1er septembre 2017